Pac post-2027 : une stratégie ambitieuse mais sous-financée pour le RGA
Entre espoirs européens et inquiétudes syndicales, le débat sur la place des jeunes dans la future politique agricole commune s’intensifie.

Réunis le 21 octobre au Parlement européen à Strasbourg, le commissaire à l’Agriculture Christophe Hansen et les représentants du Conseil européen des jeunes agriculteurs (CEJA) ont dévoilé les grandes lignes de la stratégie européenne pour le renouvellement des générations en agriculture. Ce document d’orientation esquisse la feuille de route de la prochaine Pac 2028-2034, alors que le secteur fait face à un vieillissement alarmant, seuls 12 % des agriculteurs européens ont moins de 40 ans.
Une stratégie à quatre piliers pour préparer la relève
La Commission articule sa vision autour de quatre grands axes, déclinables à l’échelle européenne et nationale : Définir une stratégie générale du RGA pour la prochaine Pac ; Identifier les obstacles freinant l’installation et la transmission ; Repérer les opportunités favorables à l’installation et l’Assurer la complémentarité entre la Pac et les futurs Plans de partenariat nationaux et régionaux (PPNR). Cinq domaines prioritaires en découlent : l’accès au crédit, la formation, le foncier, la résilience des exploitations, et la transmission. Parmi les annonces, la création d’un Observatoire européen du foncier, d’un service de remplacement agricole européen, et d’un « kit de démarrage » pour les jeunes agriculteurs illustrent cette volonté d’agir sur plusieurs leviers à la fois. Mais la Commission assume une approche davantage nationale : chaque État-membre devra bâtir sa propre stratégie de renouvellement des générations. Cette orientation suscite des réserves. Pour le CEJA, cette « nationalisation » risque d’entraîner des disparités entre États et un affaiblissement du cadre commun.
Le débat budgétaire : 6 % ou plus ?
C’est l’un des points les plus scrutés. Le commissaire Hansen a confirmé que « la Commission recommande aux États d’allouer 6 % de leur budget Pac au RGA », le double du seuil actuel « ce dont on ne peut que se féliciter », déclare JA. Une avancée symbolique, mais sans contrainte juridique. Ces 6 % ne figurent pas dans les règlements Pac, et aucun État ne serait sanctionné s’il n’atteint pas ce seuil. Le CEJA juge cette approche insuffisante. L’organisation plaide pour que ce taux soit inscrit dans les textes afin de garantir un engagement budgétaire contraignant. Sans cela, le risque est grand que le RGA reste une priorité « déclarative », plus qu’opérationnelle.
La réaction de Jeunes Agriculteurs : « Une ambition sans les moyens »
Dans son communiqué du 21 octobre, JA salue la prise de conscience de Bruxelles mais déplore une stratégie « ambitieuse mais sous-financée ». « Nous restons dubitatifs face à cette stratégie de la Commission, certes ambitieuse, mais non contraignante et sous-financée. Sans engagement budgétaire solide, ce plan risque de se limiter à un effet d’annonce », déclare Pierrick Horel, président de JA. L’organisation dénonce surtout la contradiction entre cette ambition et la baisse drastique agricole européen, selon les propositions budgétaires de la Commission, la Pac post-2027 serait amputée de 85 milliards d’euros.
Pour JA, « un objectif de doublement des jeunes agriculteurs (de 12 à 24 % d’ici 2040) est irréaliste sans moyens supplémentaires ». Le syndicat réclame que 10 % du budget total de la Pac soient fléchés vers le RGA ; un seuil jugé indispensable pour répondre à l’urgence démographique et soutenir les nouvelles installations.
Les priorités syndicales françaises pour la future Pac
Dans son document de position « Une nouvelle Europe agricole », JA fixe trois priorités : « Un budget spécifique et ambitieux : la Pac doit rester un cadre européen fort, doté de moyens dédiés, sans être diluée dans les politiques de cohésion. De nouvelles ressources pour financer la souveraineté alimentaire, par exemple via une taxe de rééquilibrage concurrentiel ou une taxe sur les grandes transactions financières. Une Pac plus commune, limitant les distorsions nationales tout en maintenant un cadre européen harmonisé. » JA plaide aussi pour 10 % du budget Pac consacré au renouvellement des générations, soit bien au-delà des 6 % évoqués par la Commission. Ce financement permettrait de renforcer l’aide complémentaire au revenu du jeune agriculteur (ACJA), de revaloriser les aides à l’installation, et d’accompagner les transmissions, autant de leviers jugés déterminants pour rendre les carrière agricoles attractives.
Entre ambition européenne et réalités nationales
La Pac post-2027 s’annonce à la croisée des chemins. D’un côté, Bruxelles promet une Pac « plus simple, plus souple et plus ciblée », fusionnant les deux piliers actuels et renforçant les outils de crise. De l’autre, les jeunes agriculteurs européens redoutent une fragmentation accrue et une perte de lisibilité de la politique agricole commune. Pour JA comme pour le CEJA, la réussite du renouvellement des générations passe avant tout par un engagement budgétaire clair et contraignant, garantissant que les ambitions affichées se traduiront dans les faits. La balle est désormais dans la camp du Parlement européen et du Conseil, appelés à débattre et amender la proposition dans les prochains mois.
Objectif UE : doubler la part des jeunes agriculteurs d’ici 2040 (de 12 % à 24 %).
Budget RGA proposé : 6 % du budget Pac, non contraignant.
Exigence JA : 10 % du budget Pac et une réévaluation régulière des fonds selon l’inflation.
Calendrier : adoption du cadre législatif en 2026-2027, entrée en vigueur de la Pac 2028-2034.