Économie

La viande bovine se déconfine

La situation de la filière bovine française n’est pas bonne et la crise sanitaire du Covid-19 n’a pas arrangé les choses. Mais c’est peut-être un mal pour un bien. 

Jeunes bovins

L’épidémie a accentué la spirale baissière des prix en bovin viande. Comment, du reste, pouvait-il en être autrement dans une filière qui écoule 20 % de sa viande en restauration hors domicile (RHD), totalement fermée à partir de la mi-mars et qui rouvre très progressivement ses portes ?

Durant la première partie du confinement, « les cotations ont baissé de 8 à 14 centimes du kilo selon les catégories », explique Guy Hermouët, président de la section bovine d’Interbev. Mais les Français n’ont pas arrêté de manger de la viande pour autant. Ils ont juste transféré leurs achats, essentiellement en GMS. Les chiffres observés pendant les six premières semaines du confinement (mi-mars à fin avril) sont éloquents. « Les ventes en libre-service et rayon traditionnel ont progressé de 8 %, les ventes de haché frais de 30 % et de viande surgelée de 55 % », poursuit Hermouët. Ces hausses se sont maintenues pendant toute la durée du confinement. Les ventes de haché ont légèrement fléchi depuis le début du déconfinement (semaine 20), même si elles restent encore marquées (+ 15 % en frais).

Conséquence, des ventes plus compliquées pour certaines pièces nobles et un déséquilibre économique dans la valorisation de la carcasse. « L’épidémie a également eu pour conséquence de ralentir l’activité d’abattage de jeunes bovins dont les stocks ont progressé, indique Guillaume Gauthier (Saône-et-Loire), administrateur des JA en charge du dossier bovin. Les abatteurs ont habituellement un stock d’une semaine, il est passé à dix-douze jours ». La Commission européenne a ouvert une aide au stockage privé.

Des prix qui repartent à la hausse

Si le retour à la normale promet d’être lent et progressif, on observe déjà un retournement du prix des vaches. Selon Philippe Chotteau, chef du service économie de l’Institut de l’élevage (Idele), le prix est clairement reparti à la hausse après avoir chuté en tout début de confinement. En semaine 23, le kilo de carcasse de la vache classée U se situait à 4,48 euros (+ 3 % par rapport à la même période de 2019), la R à 3,92 euros (+ 2 %). En revanche, pour les vaches de type O et P (vaches laitières de réforme), le prix reste inférieur, respectivement de 5 et 2 % par rapport à 2019.

Le niveau des abattages a fléchi de 5,5 % entre les semaines 12 (mi-mars, début du confinement) et 18 (fin avril), confirmant la baisse structurelle du troupeau allaitant français « qui a perdu 10 % de ses effectifs sur les trois dernières années », précise Guillaume Gauthier. Il a repris du poil de la bête depuis pour les races à viande (+ 1 % en têtes, + 3 % en tonnage), mais pas pour les laitières (- 3 % en têtes). Que retirer de positif de cette crise sanitaire ? « Actuellement, tout le monde est plein d’intentions, remarque Guy Hermouët, mais demain ? ». Il y a de nombreux dossiers à traiter : revalorisation du prix de la viande hachée, fort développement du Label Rouge pour passer de 3-4 % à 20 % en 2020, puis 40 % en 2022, etc. Cependant la crise sanitaire semble avoir fait prendre conscience à l’aval de l’importance de soutenir l’amont. Selon Guillaume Gauthier, « on a vu ces dernières semaines Bigard remonter le prix du milieu de gamme (R) de 10 centimes du kilo de carcasse, et les autres catégories devraient suivre. Il faut également avancer sur la contractualisation ».