DNC : face à l’urgence sanitaire, l’Ariège défie le dépeuplement tandis que l’État élargit la vaccination obligatoire
Alors que les agriculteurs ariégeois réclament un protocole alternatif au dépeuplement, le gouvernement a décidé, le 12 décembre, d’étendre la zone de vaccination obligatoire dans le Sud-Ouest. Une mesure annoncée alors que deux nouveaux foyers éloignés des précédents confirment l’accélération de la circulation virale. Jeunes Agriculteurs défend la stratégie nationale et rappelle la nécessité de tenir collectivement la ligne.
Vendredi 12 décembre : la situation sanitaire a changé d’échelle. « Deux nouveaux foyers détectés loin des précédents ont confirmé, selon le ministère, une dégradation soudaine de la situation sanitaire ». Annie Genevard a annoncé sur son compte X que le pays se trouvait désormais « dans une véritable course contre la montre contre le virus ». Elle y rappelle que sa priorité va aux éleveurs, « ceux dont le troupeau est frappé comme ceux qui vivent chaque jour avec la crainte de voir la maladie arriver chez eux », et insiste sur la nécessité d’une politique fondée sur la science et la concertation, loin de toute improvisation. Dans la foulée, le ministère a élargi la zone vaccinale obligatoire. Les départements de l’Aude, de la Haute-Garonne, du Gers et des Pyrénées-Atlantiques — hors communes déjà en zone réglementée — sont désormais soumis à la vaccination obligatoire de tous les bovins. Les animaux ne peuvent plus sortir de ces zones, sauf pour partir à l’abattoir. L’État prendra intégralement en charge le coût vaccinal.
Sur le terrain : les forces de l’ordre interviennent, l’abattage débute
Aux Bordes-sur-Arize, la tension est montée d’un cran. Jeudi soir, les forces de l’ordre ont évacué les manifestants qui bloquaient l’exploitation. Vendredi matin, les services vétérinaires sont entrés dans l’étable, escortés par la gendarmerie. Vers 10 h 30, les premières vaches abattues étaient chargées à bord d’un camion-benne. Pour la ministre, le dépeuplement reste « un arrachement, autant pour les éleveurs que pour moi », mais il demeure « un dernier recours ».
JA soutient la stratégie nationale : « abattage, vaccination, zéro mouvement »
Du côté de Jeunes Agriculteurs, la fermeté reste de mise. Pierrick Horel, président de Jeunes Agriculteurs, a réagi jeudi soir dans une vidéo adressée aux éleveurs touchés. Il y exprime son soutien aux éleveurs des Pyrénées et rappelle « une stratégie très douloureuse, mais celle qui fonctionne pour préserver la filière bovine ». Il rappelle que la stratégie actuelle a permis de lever trois zones réglementées avec seulement « 0,02 % du cheptel national dépeuplé », résultats que viennent menacer les actions de blocage.
Pour Loïc Scalabrino, éleveur laitier et secrétaire général adjoint du syndicat, l’approche ariégeoise – détaillée dans l’encadré : contexte - repose sur un protocole déjà testé dans les Balkans entre 2015 et 2019, où une épizootie similaire avait éclaté. Selon lui, « cette méthode peut ralentir la progression de la maladie en période hivernale, mais ne permet en aucun cas de stopper complètement la circulation virale ». Il estime indispensable de maintenir la stratégie suivie depuis le début de l’épizootie, qui repose sur l’abattage systématique des troupeaux, qu’ils soient vaccinés ou non, sur la vaccination obligatoire dans les zones réglementées et sur l’interdiction stricte de déplacement des bovins. « Des pays ayant respecté ce triptyque, comme la Bulgarie, sont parvenus à éliminer la maladie en moins d’un an », rappelle-t-il.
Pour JA, la cohérence nationale est indispensable. Toute tentative de contournement de la stratégie mettrait en péril les efforts consentis par les éleveurs des premières zones touchées, en particulier en Savoie. « C’est une stratégie collective, souligne Loïc Scalabrino. Si chacun s’exonère des règles, c’est toute la profession qui sera exposée. »
Une crise qui s’intensifie et deux visions qui s’opposent
En Ariège, les acteurs agricoles souhaitent une gestion proportionnée, adaptée à un foyer qu’ils estiment isolé et mal expliqué. De leur côté, les Jeunes Agriculteurs défendent une ligne stricte estimant qu’elle seule peut empêcher un emballement de l’épizootie, notamment à l’approche du printemps, période favorable à la remontée des vecteurs.
Le débat cristallise désormais deux conceptions : une approche locale, fondée sur un contexte jugé singulier, face à une stratégie nationale structurée autour du dépeuplement comme ultime recours, de la vaccination obligatoire et du contrôle des mouvements.
Le 9 décembre, la préfecture de l’Ariège a ordonné l’abattage complet du troupeau touché par la dermatose nodulaire contagieuse (DNC) sur l’exploitation des Bordes-sur-Arize, conformément à la réglementation européenne. Les 208 vaches de l’unité doivent être euthanasiées. Dans le département, la contestation s’est immédiatement organisée. La Chambre d’agriculture et les syndicats locaux ont apporté leur soutien aux éleveurs et dénoncé une stratégie de dépeuplement jugée « inefficace ».
Le 10 décembre, la profession a publié un communiqué demandant la fin du dépeuplement et défendant une alternative scientifique transmise à la ministre de l’Agriculture, Annie Genevard. Pendant deux jours, des agriculteurs ont bloqué l’accès à la ferme, érigé des barrages et tenté d’empêcher l’arrivée des services vétérinaires. Selon les agriculteurs ariégeois, l’exploitation concernée présente un profil « atypique » : troupeau sédentaire, isolement géographique, absence de mouvements d’animaux provenant de zones réglementées, biosécurité jugée satisfaisante et contamination apparue en période de faible activité vectorielle. Pour eux, ces éléments justifient une réévaluation de la stratégie et l’abandon de l’euthanasie totale.
Ils proposent un protocole expérimental fondé sur l’abattage des seuls animaux PCR positifs, une surveillance hebdomadaire du reste du troupeau, un suivi vétérinaire renforcé, des recherches approfondies sur l’origine de la contamination, une intensification de la lutte contre les vecteurs, l’extension de la vaccination hors zones réglementées, et la création d’une zone de protection renforcée de cinq kilomètres pendant quatre semaines.
Dans un communiqué publié jeudi 11 décembre, le préfet de l’Ariège demande à tous les manifestants de respecter cette volonté des éleveurs et de quitter les lieux dans le calme. Il en appelle à la responsabilité de toutes et tous. « Après un nouvel échange téléphonique avec les services de l’État, les éleveurs concernés viennent de confirmer leur accord pour la mise en œuvre des mesures de dépeuplement », peut-on lire dans le communiqué.
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