Sur le terrain

William Rouvray, un éleveur de porc conscient mais confiant

Malgré les difficultés et les crises à répétition que traverse la filière porcine, William Rouvray, éleveur de porc dans le Morbihan (56) veut y croire. Faire tourner l’exploitation familiale est pour lui un défi de tous les jours, mais avant tout une passion que lui ont transmise ses parents.

William Rouvray, un éleveur de porc conscient mais confiant

Parmi les 13 régions métropolitaines françaises, c’est la Bretagne qui détient la première place, et de loin, dans la production porcine. En effet, 58 % des porcs français sont Bretons, soit plus d’un porc sur deux. Éleveur de porc dans le Morbihan, William Rouvray fait pourtant figure d’exception sur sa commune. « En naisseur-engraisseur, on est que deux exploitations, celle que je partage avec mes parents, et celle de mon oncle », explique le jeune éleveur de 25 ans. En effet, la grande majorité des éleveurs de porc bretons se situent dans le Finistère et dans les Côtes-d’Armor : à eux deux, ces départements produisent environ 70 % du porc breton.

Il y a quelques décennies, les éleveurs de porc étaient pourtant légion dans les environs, se souvient Marie-Claire, la maman de William. « On les a vus partir les uns après les autres », poursuit-elle, « beaucoup ont arrêté pour des raisons financières et certains sont devenus salariés ». De leurs côtés, les parents de William ont progressivement agrandi leur cheptel. De 80 truies au départ, ils sont passés à 120, 150 puis 300 aujourd’hui. « Mais ça n’ira pas plus haut », prévient William, qui anticipe déjà le moment où il se retrouvera seul, lorsque ses parents partiront à la retraite.

Comme 95 % des porcs français, ceux de William sont élevés en bâtiment sur caillebotis.
Comme 95 % des porcs français, ceux de William sont élevés en bâtiment sur caillebotis.

Un marché très fluctuant

Porc

En rejoignant l’Earl en 2021, William a donné un nouveau souffle à l’exploitation, estime Marie-Claire, qui avait de plus en plus de mal à supporter l’effet yo-yo de la filière et les incertitudes économiques associées. « Arrivés en fin de carrière, on commence à compter, et on se demande ce qu’il va nous rester », soupire-t-elle tout en assurant faire « un travail qui en soit ne [lui] déplait pas ». Si William savait déjà depuis tout petit qu’il allait s’installer un jour sur l’exploitation de ses parents, c’était inenvisageable pour lui de s’installer sans terre. L’année dernière, il a finalement eu l’opportunité de reprendre une exploitation laitière. Il n’a pas gardé l’atelier bovins lait, mais a augmenté les surfaces cultivées en blé, maïs et colza pour atteindre 120 ha de cultures. « L’atelier céréales, c’est vraiment ce qui va nous sauver de la partie porc », confie William. Alors que les cours des céréales flambent, en lien direct avec la guerre déclenchée par la Russie en Ukraine, celui du porc, bien que se relevant péniblement depuis début février, demeure incertain. « La particularité du porc, c’est que c’est un marché très fluctuant, tu peux avoir une année extraordinaire suivie d’une année désastreuse », explique l’éleveur.

Les montagnes russes

En raison de la peste porcine africaine qui a sévi en Chine dès 2018, le cours mondial du porc a fait un bond spectaculaire en 2019, atteignant cette année-là 1,7 € le kilo entre les mois de septembre et décembre. « La Chine qui perd son cheptel, c’était une aubaine pour nous », se souvient William. Mais si l’avenir commençait à s’éclaircir pour les producteurs de porc européens, avec la promesse de quelques belles années, le Covid en a décidé autrement.

« Alors qu’on aurait dû avoir 6 ou 7 années de très bons cours, on a eu seulement quelques mois de répit, jusqu’à ce que le Covid arrive en Chine… » 

Cet ascenseur émotionnel qui monte et descend au gré de l’actualité joue avec les nerfs, constate l’éleveur, qui ne se décourage pas pour autant. Poussé par l’envie de faire perdurer l’exploitation familiale, et porté par « le côté affectif du lieu », William admet avoir une motivation supplémentaire par rapport à un jeune qui s’installe hors cadre familial. « Je ne m’accroche pas qu’au facteur économique », reconnaît-il.

En début d’année, une aide d’État de 270 millions d’euros a été débloquée pour soutenir la filière porcine, dont 75 millions d’euros destinés à être reversés directement aux éleveurs, et notamment aux jeunes agriculteurs. William, lui, n’en a toujours pas vu la couleur. « J’ai fait la demande, je suis censé recevoir 15 000 euros, mais pour l’instant je n’ai toujours rien reçu », indique-t-il.

Des projets plein la tête

William Rouvray

Face aux difficultés rencontrées par la filière, William ne peut se reposer sur ses lauriers. « Il ne faut pas rester figé sur un modèle », estime le jeune éleveur qui souhaite faire évoluer son exploitation. « Pourquoi pas en la rendant plus résiliente sur le plan énergétique ? songe-t-il sans avoir encore d’idée bien précise en tête. Un hangar photovoltaïque, une unité de méthanisation… ? Tout est envisageable ! » Il aimerait également développer la partie culture, « mais tout dépend des opportunités », la concurrence sur le foncier étant importante dans le secteur. Aujourd’hui, William produit environ 1 200 tonnes de céréales (blé, maïs et colza) et en consomme 2 200 tonnes pour l’alimentation de ses porcs. Aussi devrait-il produire deux fois plus pour être à l’équilibre. « On compte un hectare par truie pour être autonome », explique l’éleveur. Avec 300 truies, il lui faudrait donc 300 hectares, contre 120 ha aujourd’hui.

Une exploitation représentative des exploitations porcines françaises

Comme 95 % des porcs français, ceux de William sont élevés en bâtiment sur caillebotis. C’est aussi le système d’élevage le plus répandu en Europe et dans le monde. Le caillebotis est un type de sol (en plastique, en fonte ou en béton) caractérisé par la présence de trous qui permettent l’évacuation des déjections animales et de l’eau de lavage du sol dans des fosses situées juste en dessous.

William achète ses cochettes – nom donné aux jeunes truies avant la première mise bas – à un autre éleveur. Lorsqu’elles arrivent chez lui, elles ont un peu plus de 8 mois et pèsent environ 140 kg. Elles sont immédiatement mises en quarantaine un mois voire deux « pour éviter qu’elles ne se fassent contaminer ». Élevées sous air filtré durant les premiers mois de leur vie, les cochettes sont en effet vierges de toute maladie à leur arrivée chez William, d’où ces précautions. Durant leur vie, elles font en moyenne sept portées avant d’être réformées.

Retrouvez le reportage dans son intégralité dans le numéro 780 du JA MAG, page 26.