Économie

Porc : l’envolée des prix interroge sur le long terme

L’envolée du prix du porc au Marché du Porc Breton traduit une offre actuellement inférieure à la demande. C’est une bonne nouvelle à court terme, mais pas forcément sur le long terme. Car cette hausse traduit une baisse de la production et le risque de perte de souveraineté alimentaire.

élevage porcin

Le prix du porc fixé deux fois par semaine au Marché du Porc Breton (MPB) de Plérin dans les Côtes-d’Armor vole de record en record. Dans la première quinzaine de février, le seul marché au cadran du porc en France a fixé un prix de base de 2,13 euros du kilo le jeudi 9, de 2,14 euros le lundi 13 puis de 2,17 euros le jeudi 16. Le précédent record (13,66 francs, soit 2,082 euros) remontait à 1989. Dans les prochaines semaines, le prix pourrait encore progresser, prédisent les spécialistes. Cette orientation du marché confirme la tendance haussière qui s’est manifestée en 2022, année marquée par le prix moyen le plus élevé des cinquante ans d’histoire du Marché du Porc Breton (1,725 euro).

Hausse de prix généralisée

Cette hausse de prix s’exprime de la même manière dans les grands bassins de production en Europe, en Espagne, en Allemagne, au Danemark et aux Pays-Bas. La raison est partout la même : la production porcine piétine et l’offre est désormais inférieure à la demande.

Comment en est-on arrivés là ? Il y a eu ces dernières années un marché mondial fortement tiré par la demande de la Chine à l’achat avant qu’elle s’en retire, une période Covid qui a largement perturbé les débouchés de commercialisation de la viande, puis une peste porcine africaine qui s’est propagée à l’est de l’Europe (Pologne, Allemagne), fermant des marchés à l’exportation notamment vers l’Asie (Corée, Japon, Chine).

Puis les prix à la production ont commencé à flamber sous l’effet du redémarrage de l’activité post-covid et de la guerre en Ukraine. Logiquement, la production recule un peu partout en Europe depuis quelques mois. Les grands opérateurs allemands et espagnols ayant récemment investi dans de nouvelles capacités d’abattage, le retournement du marché est brutal pour eux. Aussi n’ont-ils pas d’autre choix que de payer plus cher les cochons pour assurer l’approvisionnement. 

Ne pas crier victoire trop vite

Cette situation de marché est un juste retour des choses pour les éleveurs. Le coût de production a tant flambé ces derniers mois – les spécialistes estiment qu’il se situe légèrement au-dessus des 2 euros en cette mi-février  que les records du MPB (prix de base auquel il faut rajouter la prime de qualité de 17 centimes) couvrent leurs dépenses.

Mais il y a toutes ces pertes accumulées depuis plusieurs années à rembourser… Avec une telle orientation des cours, la logique voudrait que des éleveurs soient incités à augmenter leur production ou à s’installer. Mais le marché reste très incertain et le prix fixé au MPB pourrait redescendre sous le niveau du coût de production et enlever toute rentabilité au secteur. « La hausse des cours est une bonne nouvelle à court terme, mais elle ne suffit pas à garantir un revenu décent aux éleveurs sur le long terme au vu des charges qui augmentent en parallèle », témoigne Manon Pisani en charge du dossier porc au sein du syndicat Jeunes Agriculteurs.

Par ailleurs, cette inflation du prix, si elle est bien répercutée au niveau du consommateur, ne va-t-elle pas le détourner d’une viande devenue trop chère ? Les spécialistes estiment que la viande de porc reste compétitive face aux viandes de volaille et de bovin dont les prix n’ont cessé de grimper ces derniers mois. Si la végétalisation s’accroît au détriment de l’élevage, le potentiel de production sera perdu et les importations se développeront. Évidemment sans que la France puisse imposer le moindre référentiel qualité.