Politique et société

Une journée de mobilisation d'ampleur historique

Pas moins de 55 000 agriculteurs sont sortis de leur ferme, jeudi 25 janvier, pour partager leur colère face aux injonctions en tout genre et un manque criant de revenu décent. C’est le cas par exemple dans l’Yonne avec le blocage de l’A6 au sud d’Auxerre. 

Les agriculteurs avaient rendez-vous sur l'A6 au niveau de Nitry (89).
Une centaine de tracteurs ont bloqué l'A6.

« On y va, c’est parti ! », scande un agriculteur au beau milieu de la brume matinale. Escortés par les gendarmes, près de 115 tracteurs se sont mis en route pour rejoindre le point de ralliement prévu à Nitry (région d’Auxerre) à une vingtaine de kilomètres. Dans l’autre sens de circulation, un bouchon commence à se former avec près d’une vingtaine de véhicules. Les conducteurs contemplent ce spectacle étonnant et certains klaxonnent même au passage des machines en signe de soutien. « Je suis à 200 % avec les agriculteurs, ils ont raison de protester ! », lance un automobiliste. Au bout d’une vingtaine de minutes, l’ensemble des tracteurs est engagé sur l’A6. Le point de rendez-vous est donné sous un pont où ils sont rejoints par une soixantaine d’autres agriculteurs venus d’Avallon.
Arrivés à destination, les agriculteurs ont tout prévu. Certains s’occupent de positionner les drapeaux et les bâches avec les revendications quand d’autres s’affairent à la préparation du traditionnel « casse-croûte ». Entre les files des tracteurs, Bertrand et son groupe d’amis improvise un apéritif. « On est en colère, mais ce n’est pas pour ça qu’il ne faut pas qu’il y ait une bonne ambiance », s’exclame le quarantenaire. Un peu plus loin, un barbecue géant est mis en place dans un ancien chauffe-eau. Au menu : deux options, sandwich avec saucisse ou merguez.
Si l’ambiance est bonne enfant, les participants n’oublient pas la raison de leur présence. « Nous sommes ici pour montrer notre colère, mais aussi pour donner du poids au niveau national. Il était important pour nous de rentrer dans le mouvement », livre Charles Baracco, président Jeunes Agriculteurs de l’Yonne. Et quand on lui demande la raison de cette colère, le jeune homme est clair : « Nous sommes incapables d’expliquer le cap que veut donner le gouvernement à l’agriculture française. Nous attendons maintenant une ligne directrice et des perspectives positives pour que nous soyons certains d’avoir un avenir en tant que jeunes agriculteurs. »

Une journée déjà dans les mémoires

Alors que les nombreux points de blocages et autres opérations escargot font la une des médias depuis près de trois semaines, en ce jeudi 25 janvier c’est l’Yonne et le blocage de l’A6 qui est sous le feu des projecteurs. En cause, la venue d’Arnaud Rousseau, président de la FNSEA et d’Arnaud Gaillot, président de Jeunes Agriculteurs. La discussion s’engage avec les agriculteurs qui n’hésitent pas à faire remonter aux deux leaders syndicaux leurs doléances. « C’est quand même fou qu’on importe des produits qui n’ont pas les mêmes normes qu’ici », s’esclaffe ainsi un manifestant.
Après un bon moment sur le terrain à échanger, les deux présidents ont été invités à monter sur deux palettes en bois pour s’adresser à la centaine de manifestants présents. « Ce qu’on est en train de négocier à Paris c’est du jamais vu. Aujourd’hui on va être très clair ; la FNSEA et les JA ont toujours été des gens responsables. On a pris nos responsabilités pendant des années à essayer de travailler avec le gouvernement pour faire avancer les choses. Mais si on refuse de nous écouter alors on dit stop ! La balle est maintenant dans les mains du gouvernement […] », clame Arnaud Gaillot armé d’un porte-voix. Les applaudissements des agriculteurs sont aussi sincères que déterminés.

Un peu plus tard dans la journée, les responsables départementaux des JA et de la FNSEA prennent la parole pour interroger les participants sur la suite du mouvement. « Êtes-vous toujours aussi déterminés ? Que fait-on maintenant ? », interroge Damien Brayotel, président de la FDSEA de l’Yonne. « Il faut monter à Paris ! », balance un jeune homme, « c’est mieux si nous restons ici », tempère un autre.
Le choix est vite tranché, certains resteront la nuit sur le barrage quand d’autres retourneront dans leurs fermes pour s’occuper de leurs exploitations.

Une chose est certaine, à l’image de toute la France, les agriculteurs de l’Yonne sont déterminés à ne pas reculer tant que leurs revendications ne seront pas satisfaites.

Des premières annonces attendues dès aujourd'hui

Sous l'effet de ce mouvement d'ampleur national, le gouvernement se retrouve sous pression. Le Premier ministre Gabriel Attal est attendu cette après-midi dans une exploitation agricole bovine située dans la petite commune de Montastruc-de-Salies en Haute-Garonne, où il doit échanger avec une quarantaine d'agriculteurs et présenter des premières mesures pour répondre à leur colère, a indiqué Matignon.