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Pommes : vous reprendrez bien un peu de sucre ?

On sait que l’application d’infra doses de sucres déclenche une réaction de défense chez les végétaux. Depuis 2009, plusieurs programmes de recherche ont tenté de percer les secrets des mécanismes mis en branle par l’apport de saccharose et de fructose. 

Branche de pommier dans laquelle est accrochée un récipient contenant du sucre.

On le sait peu, mais le saccharose est un produit naturel de la photosynthèse. Présent dans l’ensemble des plantes qui contiennent de la chlorophylle, ce sucre soluble est présent en quantité plus ou moins importante en fonction de l’heure de la journée, de l’âge de la feuille, la physiologie de la plante et de l’espèce végétale. Mieux, la recherche a montré que le saccharose et ses dérivés naturels sont des indicateurs de la santé de la plante, et qu’ils interviennent également dans la gestion des processus hormonaux de croissance et de développement de la plante, ainsi que dans les réponses aux stress biotiques et abiotiques.

Les premiers travaux sur l’effet positif d’applications d’infra doses de sucres ont commencé à l’Inra, en 2009, mais des travaux antérieurs avaient déjà été diffusés en Écosse et en Israël. Après l’Inra, c’est l’Université de Tours et l’Innophyt qui ont repris ces essais montrant des effets de limitation des dégâts de quatre bioagresseurs par application d’infra doses : sur maïs (contre la pyrale), sur pompier et poirier (contre le carpocapse), sur tomate (contre le nématode à galles Meloidogyne javanica) et sur tomate et haricot contre Botrytis cinerea. En 2012, c’est au tour du Groupe de recherche en agriculture biologique (Grab) de se pencher sur la question dans le but de valider et de transférer la méthode d’application afin de limiter les dégâts de carpocapse sur pommes. Depuis, deux projets Casdar ont pris le relais pour développer la technique en arboriculture, viticulture, maraîchage et grandes cultures, tandis que le fructose et le saccharose étaient homologués en 2014 et 2015 en tant que substances de base.

Le sucre entraîne un mécanisme de défense

Les objectifs visés par l’application d’infra doses de sucre sont, d’une part, de trouver des alternatives aux produits phytosanitaires dans le cadre des plans Ecophyto successifs ; d’autre part, de réduire les impacts environnementaux de certains intrants en agriculture ; enfin, de trouver des solutions viables qui s’intègrent facilement dans les itinéraires techniques.

« Les microdoses de sucre agissent comme stimulateur de défense et doivent donc être appliquées avant l’arrivée du ravageur », explique Sophie-Joy Ondet, du Grab.

Les travaux ont en effet montré que l’application entraîne un mécanisme de défense au sein du végétal, mécanisme déclenché par l’apport de sucre exogène qui provoque un signal à la surface des feuilles, transmis ensuite dans toute la plante. « Des sucres dans la plante, il en existe déjà en très grand nombre. Quand on parle d’infra doses, on parle surtout de l’effet du fructose et du saccharose. De là part un nouveau concept, celui du ‘sweet immunity’ ou ‘défense liée au sucre’ », poursuit la spécialiste du Grab.

En 2013 sur gala, le témoin non traité affichait 13 % de fruits piqués à la récolte tandis que la modalité avec du fructose appliqué seul n’était qu’à 3,5 %. En 2014, le Grab a testé l’association de deux sucres, en alternance ou en mélange, pour vérifier si un effet variétal était présent. Mais l’année, à faible pression carpocapse (4 % sur le témoin non traité), n’a pas permis de statuer. Et en 2015, le Grab a montré que le mélange de saccharose et de fructose donnait des résultats plutôt intéressants, « mais à la dose pleine de 100 ppm, pas à demi-dose ». Au final, ces travaux ont donc montré que le sucre pouvait être un outil très intéressant en plus du virus de la granulose, à raison d’une pulvérisation préventive de 100 ppm (1 g/10 litres ou 100 g/1000 l) de saccharose ou de fructose sur pommiers, avec une bouillie de 780 l, dès la chute des pétales puis tous les 21 jours. « Il faut intervenir avant 9h heure solaire (11h en été) pour agir avant le redémarrage de la photosynthèse et ainsi avoir un effet plus impactant. »

Ces essais se sont poursuivis via le Casdar intitulé ‘Sweet’ (2016-2019) qui s’est décliné en arboriculture bio et conventionnelle, mais aussi en maraîchage, viticulture et sur céréales. Mais aussi grâce au Casdar ‘Pep’s’ (2014-2018) qui s’est lui intéressé à l’évaluation et à l’optimisation de l’utilisation de stimulateurs de défense des plantes dans les stratégies de protection phytosanitaire en verger de pommier.