Sur le terrain

Paul Lhopiteau affine son compost pour le marché local

De retour aux sources, Paul Lhopiteau a monté un atelier de compost pour agriculteurs. Il part maintenant à la conquête des jardiniers du dimanche.

Portrait de Paul Lhopiteau tenant un seau de compost.

Sous l’œil attentif de Paul Lhopiteau, un camion déverse des déchets de silo au milieu d’une grande plateforme en enrobé. Un nuage de poussière s’élève. « C’est le produit le plus technique à gérer car il est très volatil, » explique le jeune agriculteur de 26 ans en plongeant la main dans les débris de céréales. Parmi les particules fines, des grains encore intacts de blé et de colza : « Mon rôle, c’est de faire en sorte qu’ils ne germent pas dans mon tas de compost ».

Établi à Villeau, au sud de Chartres, Paul Lhopiteau travaille sur l’exploitation céréalière de son père. Depuis 2017, ils fabriquent 5000 t de compost par an dont un quart pour leur propre consommation. Ils vendent leur production à une quinzaine d’agriculteurs, installés en conventionnel ou en bio, et à quelques maraîchers et collectivités territoriales « situés dans un rayon de 30 km ». Pour obtenir leur produit fini, ils mélangent toutes sortes de déchets organiques : des feuilles et des branchages récupérés auprès de paysagistes et déchetteries, des résidus de silos, des pommes de terre gâtées ou encore du fumier de centres équestres.

Deux défis : équilibrer et humidifier

« Le premier défi, c’est d’arriver à produire une ration régulière toute l’année », explique Paul. Il confie avoir fait appel à un bureau d’études pour connaître précisément la valeur agronomique (NPK) de chaque composant. « Deuxième chose importante : humidifier [la ration] pour activer la fermentation », poursuit-il. Il arrose donc régulièrement les tas en décomposition avec un « jus » : de l’eau de pluie enrichie en bactéries et matières organiques après avoir ruisselé sur l’enrobé. Il brasse aussi les tas 4 à 5 fois, avec un retourneur, pour réactiver la dégradation. « Mon but, c’est de maintenir une température [de fermentation] à 70 °C pour répondre au cahier des charges bio (…) et vendre sereinement mes produits. »

L’atelier compost a été créé peu après le retour de Paul sur la ferme familiale. « J’ai travaillé quatre ans chez un constructeur de matériel agricole : je faisais 3 000 km par semaine, » raconte le jeune homme, titulaire d’un BTS GDEA et d’un Certificat de qualification professionnelle (CQP) en communication et marketing. « Pendant dix ans, mon père a mûri un projet de méthanisation par voie sèche. Ça n’a pas abouti, faute de garanties suffisantes du côté du constructeur. » Persuadés qu’il y avait quelque chose à faire avec le volume considérable de déchets céréaliers produits dans ce coin de Beauce, les Lhopiteau se sont tournés vers l’amendement organique.

« Ça fait 15 ans qu’on met du compost dans nos champs, reprend Paul. Avant, on l’achetait. En 2015, on a commencé à en faire pour nous-mêmes. Et en 2017, on a créé la plateforme. »

L’installation comprend une dalle en bitume d’1 ha pour faire les rations, avec une inclinaison de 2 degrés pour permettre à la pluie de s’écouler ; un bassin de rétention de 1000 m3, semblable à un long couloir de piscine ; et un nouveau télescopique. « Ça représente environ 400 000 € d’investissements », glisse Paul.

« C’est en faisant qu’on apprend. »

À force d’observer et d’expérimenter, le jeune homme a déjà apporté plusieurs améliorations à son dispositif. Désormais, quand il récupère des oignons abîmés ou en surplus, il les mêle directement aux résidus de silo : « Cela présente un double intérêt : on n’a plus l’odeur désagréable des oignons et ils permettent aux graines de se dégrader. » Quant à l’arrosage du compost avec le « jus » de pluie - un liquide sombre qui colle aux semelles - le temps où il faisait tout à la main est révolu. « Au départ, je tenais ma lance de pompier…. J’y passais des après-midi, ce n’était pas passionnant ! » se souvient-il en riant. Alors il a essayé le canon à eau. Puis, le tuyau microperforé : « Ça faisait un peu Versailles, il y avait plein de petits geysers de 2 m de haut ! » Finalement, il a gardé l’idée du tuyau posé à même le compost, en y perçant des trous plus gros :

« Je me suis rendu compte qu’il faut travailler en basse pression pour éviter le phénomène de volatilité de l’odeur et du produit ».

D’ici la fin d’année, il espère terminer la construction de deux bâtiments de stockage. L’un accueillera les tas de déchets organiques, l’autre, le compost prêt à la vente : « L’idée, c’est que les produits ne se croisent pas pour éviter tout risque de pollution. » Depuis le printemps, il fait aussi du compost à fine mouture – 0 à 10 mm – pour les particuliers. Un produit qui demande 18 mois de fermentation, contre 6 mois pour le compost classique, et qu’il vend en jardinerie, dans des seaux consignés de 10 et 30 L. « J’ai décroché une quinzaine de points de vente en Eure-et-Loir, précise-t-il. C’est un bon début ! »