Politique et société

Mondialisation : la terre aussi

Les acquisitions de terres en France par des investisseurs chinois n’ont rien de surprenant : elles sont dans l’orthodoxie libérale.

Vignes.

Il a fallu l’achat récent de plusieurs centaines d’hectares (1 700 ha dans l’Indre, 900 dans l’Allier) par le fonds d’investissement Hongyang pour que l'offensive chinoise sur les terres françaises fasse les titres des médias généralistes. Certes, cette pénétration n’est pas nouvelle, mais jusqu’alors elle concernait le secteur viticole : 140 châteaux bordelais, celui de Gevrey-Chambertin en Bourgogne, etc. Que des multinationales s’intéressent à des productions à haute valeur ajoutée, c’est dans l’ordre des choses libérales. Et la Chine n’est pas seule en piste : les États-Unis et d’autres sont sur le coup, les oligarques russes commencent à y regarder de près. C’est cet intérêt nouveau pour les terres de grandes cultures qui suscite des interrogations, elles aussi nouvelles.

L’hypothèse volontiers avancée – le déficit de terres agricoles au regard de la population – n’est pas convaincante. Selon la Banque mondiale, la SAU chinoise couvre 56 % de la superficie du pays, soit un peu plus que celle de la France (52,5 % ). Et la densité de sa population (136 habitants/km2) n’est pas très éloignée de celle de l’UE (114). Elle est même inférieure à celles de l’Allemagne (231) et du Royaume-Uni (247). La recherche d’espaces pour la production nourricière n’y est donc pas urgente. La plupart des observateurs penchent plutôt pour l’hypothèse biocarburants.

« Autosuffisance délocalisée »

La Chine exploite 10 Mha hors de ses frontières. Elle n’a pas le monopole de cette expansion foncière. La France y a sa part. Au Cameroun, par exemple, la Socapalm (Société camerounaise de palmeraies, entreprise franco-belge de Bolloré et Fabri) exploite entre autres plus de 58 000 ha de palmiers à huile. Selon la Cirad, la pénétration chinoise en Afrique est 15 fois moindre que celle des États-Unis, 10 fois moins que les Émirats arabes unis et six fois moins que la Grande-Bretagne. Dans la péninsule arabique, les surfaces agricoles ne couvrent dans le Royaume saoudien que 2 % de la superficie totale, 4.5 % dans les Émirats arabes unis ou encore 5,7 % au Qatar. Les pouvoirs y cherchent donc, selon une formule très diplomatique, une « autosuffisance délocalisée ». Ils achètent des terres jusque dans le Middle West américain et la Californie.

Face aux acquisitions chinoises en France, la Fédération nationale des Safer n’a pas pu intervenir : l’acquéreur chinois l’a court-circuitée en passant par la constitution d’une société avec les propriétaires vendeurs. Un « trou dans la loi », a déploré Emmanuel Hyest, le président de la FNSafer au quotidien économique Les Échos. La « financiarisation de l’agriculture » conduit à toujours plus d’ « accaparement des terres ». Le diagnostic est posé, reste à élaborer des solutions.