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Les sols agricoles français sont-ils en bonne santé ?

Bonne nouvelle, les sols agricoles français ne se porteraient pas si mal ! Leur santé est un sujet de préoccupation majeur, pour les agriculteurs comme pour les scientifiques.

Les sols agricoles français sont-ils en bonne santé ?

Réunis à l’occasion d’une visioconférence organisée par l’Afja – l’association des journalistes de l’agriculture et de l’alimentation –, trois scientifiques ont dressé un état des lieux de la santé des sols agricoles français. Bonne nouvelle, ces derniers se porteraient plutôt bien, ont déclaré à l’unisson les scientifiques invités. Pour Bertrand Deloste, ingénieur agronome spécialisé dans les innovations sur la fertilité physique et biologique des sols, « les agriculteurs français font globalement très bien leur métier avec les contraintes qu’ils ont ». Francis Bucaille, agriculteur et fondateur de la société Gaïago, affirme quant à lui que « les sols ne sont pas morts ! Sur les sols égratignés, on assiste même à des restaurations de fertilité très rapides, de l’ordre de quelques années, quand on commence à mettre en place des pratiques agroenvironnementales », s’enthousiasme-t-il. Spécialiste de l’écologie des sols à l’Inrae, Céline Pelosi confirme : « On sous-estime la résilience des sols en France et en Europe ». Une once de positivité qui fait du bien dans une période où le pessimisme a la fâcheuse tendance à l’emporter.  

Gare aux tassements profonds

Les scientifiques ont toutefois tenu à alerter sur le travail du sol excessif à l’origine de tassements plus ou moins réversibles. « Le tassement va avoir des conséquences sur l’infiltration de l’eau et l’oxygénation du sol, mais n’est pas préjudiciable sur le long terme s’il reste superficiel, estime Bertrand Deloste. Le gros problème, ce sont les tassements profonds. » Ces tassements profonds, en partie causés par l’utilisation de machines agricoles de plus en plus volumineuses et lourdes, peuvent perdurer des années, voire des décennies. Les sols français, pauvres en argiles, y sont particulièrement sensibles. Car « les deux éléments qui permettent de restructurer un sol après tassement sont les argiles et les vers de terre », indique Francis Bucaille.

Prenant conscience du formidable outil de travail qu’ils ont sous leurs pieds, les agriculteurs français font de plus en plus appel à des outils diagnostiques du tassement du sol. « À l’instar de la tige pénétrométrique, du test bêche et du mini-profil 3D, trois méthodes complémentaires de diagnostic simplifiées », liste Bertrand Deloste.

Ranimer les sols

Le concept d’agriculture de conservation suit trois grands principes : le non-travail du sol, un couvert végétal permanent, et une riche biodiversité. La biodiversité des sols, Céline Pelosi en a justement fait son cheval de bataille. Elle mène actuellement le projet REVers financé par Suez qui vise à « évaluer le potentiel de revitalisation des sols viticoles par inoculation de vers de terre », décrit la scientifique. En parallèle, elle accompagne la création d’une start-up proposant la commercialisation de vers de terre pour revitaliser les sols. « À distinguer des vers de terre de compost ! » rappelle Céline Pelosi en souriant. Pour Francis Bucaille, « il faut donner à l’agriculteur le pouvoir de régénérer les sols en réveillant une partie de la microbiologie endormie ». Il cite notamment Les BRF (bois raméaux fragmentés), les matériaux ligneux, ou les prébiotiques du sol qui, celui-lui, ont le pouvoir de ranimer le vivant. 

Évaluer le carbone des sols par couverture aérienne

La santé des sols n’intéresse pas qu’une poignée de scientifiques. Le 9 avril, l’Inrae et l’institut Planet A annonçaient la création du premier indicateur mondial d’évolution du stock de carbone dans les sols. « Les sols sont vraiment au cœur des enjeux de la planète », déclarait la présidente de Planet A, Carmen Munoz-Dormoy. « Le carbone est un traceur de biodiversité dans les sols » indiquait quant à lui Jean-Pierre Rennaud, président du conseil scientifique de Planet A.

Le postulat de départ est qu’il existe une relation entre la durée de couverture d’un sol et son potentiel de stockage de carbone. Dans un premier temps, les chercheurs vont analyser plus précisément cette relation à l’échelle de la France. Ensuite, la couverture des sols sera évaluée à l’échelle parcellaire dans le monde entier grâce aux données satellitaires de l’Agence spatiale européenne. « L’idée est de créer des cartes mondiales de durée de couverture des sols », a indiqué Éric Ceschia, directeur de recherche à l’Inrae. Baptisé Soccrop, l’indicateur devrait être mis à disposition du monde agricole dans sa première version au début de l’année 2022.

Interrogés sur l’indicateur lors de la visioconférence de l’Afja, les trois scientifiques se sont accordés sur le fait qu’il ne pouvait se suffire à lui-même. « Cet indicateur ne montrera qu’une partie de la fertilité des sols, indique Francis Bucaille. Il faudrait aussi regarder l’azote : combien entre, combien sort ». Un bilan qui ne pourra se faire qu’en impliquant les principaux concernés : les agriculteurs eux-mêmes…