Sur le terrain

« J’exige une certaine qualité, et en retour les éleveurs fixent leurs prix. »

Après des études de finance et quelques expériences professionnelles qui ne le satisfaisaient pas totalement, Alexandre Bottée de Toulmon s’est réorienté vers un métier en lien avec ses deux passions : la gastronomie et la bonne viande ! Aujourd’hui boucher et restaurateur chez Bidoche, à Paris, il porte un soin particulier à la qualité de la viande qu’il achète à ses partenaires éleveurs.

Alexandre Bottée de Toulmon (c) Romain Buisson

Quelle est votre particularité en tant que boucher ?

Je suis un boucher traditionnel dans le sens où je pratique la découpe à la française et que la gamme de produits qui compose ma boucherie est typique des boucheries françaises. Mais bien sûr, comme chaque boucher, j’ai un parti pris sur un certain nombre de sujets. L’une de mes particularités est que je travaille en direct avec les éleveurs. Je vais les voir sur leurs exploitations au moins une fois par an pour choisir les bêtes, observer celles en cours de finition, vérifier que le mode d’élevage coïncide toujours avec le cahier des charges que je me suis imposé, et surtout entretenir ma relation avec les éleveurs. De leur côté, les éleveurs apprécient aussi de travailler en direct avec le boucher. C’est très gratifiant pour eux d’avoir un retour sur la qualité de la viande qu’ils produisent. Quand je reçois une belle bête d’un de mes éleveurs, je lui envoie systématiquement des photos de la carcasse et de la coupe. À l’inverse, quand c’est un peu moins bien, je n’hésite pas à lui dire et on essaye de rectifier le tir ! On travaille vraiment main dans la main.

Pouvez-vous nous expliquer votre cahier des charges ?

Pour faire de la bonne viande, il faut des animaux bien élevés, bien abattus et bien transportés. C’est la ligne directrice de mon cahier des charges ! Comme c’est moi qui rémunère tous les échelons de la filière, à savoir les éleveurs, mais aussi les abattoirs et les transporteurs, j’ai une vision globale de la chaîne. Je peux ainsi contrôler les différentes étapes et vérifier qu’elles sont conformes à mon cahier des charges. Concernant les conditions d’élevage, je regarde comment sont nourries les bêtes, l’état des bâtiments et leur propreté. Je veux de l’élevage en plein air, des croissances lentes et des bêtes âgées. Tous ces critères relèvent avant tout du bon sens paysan. J’attache aussi de l’importance à aller chercher les races bovines avec lesquelles je travaille – la limousine et la bazadaise – dans leur terroir d’origine, les environs de Limoges pour la limousine et la région de Bordeaux pour la bazadaise. Que ce soit en bovin, volaille, porc ou agneau, je me fournis principalement dans le grand quart sud-ouest de la France.

J’ai choisi de ne pas travailler avec des labels, car ils sont trop nombreux et ont tendance à embrouiller les consommateurs. En outre, j’estime que le travail de sélection que je fais va au-delà des exigences des labels.

Quelle relation avez-vous avec les éleveurs ?

Je travaille avec les mêmes éleveurs depuis des années et je leur fais entièrement confiance. Je n’ai pas la prétention de dire aux éleveurs comment ils doivent faire leur travail, en revanche je suis intransigeant sur les critères qui comptent pour moi. J’exige une certaine qualité, et en retour les éleveurs fixent leurs prix. Je ne négocie jamais les prix avec eux. En ce moment ils sont obligés de les augmenter pour diverses raisons, mais je n’y vois pas d’inconvénient si c’est la condition pour continuer de produire de la viande de qualité. Et puis ils n’augmentent pas leurs prix tous les quatre matins ! Quand ils le font, c’est en bonne intelligence. Forcément cette augmentation se répercute sur le consommateur final, mais la plupart de mes clients le comprennent. J’ai aussi la chance de travailler à Paris où il existe une catégorie de consommateurs qui ont un pouvoir d’achat suffisant pour se permettre d’acheter de la viande plus cher.

Quel regard portez-vous sur l’élevage en France ? Pensez-vous qu’il soit menacé ?

L’élevage français est dans l’ensemble de très grande qualité, avec des tailles d’élevage raisonnables et des bêtes qui sortent beaucoup au pré. Toutefois le métier d’éleveur fait face à d’importants changements en partie liés aux évolutions de consommation. En tant que boucher j’aurais tendance à dire que l’on mange trop de viande aujourd’hui. Manger trop de viande de mauvaise qualité, ça n’a aucun sens, ni pour les agriculteurs ni pour les consommateurs. Il y aura probablement dans les prochaines années des réallocations de certains éleveurs, je pense notamment aux éleveurs de bovins, vers d’autres types d’exploitations agricoles. Cependant, je suis persuadé que le métier d’éleveur, tout comme celui de boucher, est un métier d’avenir.