Politique et société

Congrès 2023 : les JA à l’abordage du changement climatique !

Jeunes Agriculteurs a tenu son congrès du 6 au 8 juin à Saint-Malo dans l’Ille-et-Vilaine. Le changement climatique, thème du rapport d’orientation, a soufflé sur la voile de cette 56e édition. Bien décidés à ne pas rester à quai sur les questions environnementales, les JA ont formulé pas moins de 70 propositions, preuve une fois de plus que prendre de la hauteur autant que le large ne leur fait pas peur.

Les JA à l'abordage du changement climatique.

Près de 500 pirates JA ont accosté à Saint-Malo pour assister à leur congrès national organisé cette année par l’équipage-choc des JA Ille-et-Vilaine. Bordée d’une ceinture bleue océanique d’un côté et verte agricole de l’autre, cette ville forteresse est ancrée au sein d’une région de production par excellence. Accueillis par un bagad* dès leur arrivée, le son du biniou* n’a pourtant pas empêché les JA de travailler avec ferveur sur les nombreux dossiers qu’ils avaient à traiter.

Le rapport d’orientation, point d’orgue du congrès, portait cette année sur le changement climatique. « Depuis plusieurs mandats, ce thème faisait écho au sein du réseau, il était temps de le prendre à bras le corps », a déclaré Jimmy Guérin, polyculteur-éleveur en Ille-et-Vilaine, membre du Conseil d’administration national et corapporteur du texte.

Pendant presque 13 heures, les JA provenant des quatre coins de France métropolitaine et d’outre-mer ont débattu, partageant leur position non sans quelques joutes verbales de haute voltige, caractéristiques de cette séquence estampillée « JA ».

Faire chacun un pas vers l'autre

Arnaud Gaillot, président de Jeunes Agriculteurs.

Cette dernière est en effet un exercice pour le moins périlleux tant les sujets peuvent être clivants : production énergétique versus alimentaire, mise en place d’un diagnostic de risques, eau, NBT, monoculture…. Les agriculteurs sont loin de rencontrer les mêmes problématiques sur le terrain. Mais à force de dialogue et d’écoute, les accords se trouvent et la magie opère.

« Notre ligne c’est l’intérêt pour demain, s’assurer qu’il y aura toujours de la place pour que des jeunes s'installent. C’est peut-être ça la recette JA », Arnaud Gaillot, président de Jeunes Agriculteurs à l’issue du congrès.

« Des actes ! » : un message clair envoyé au ministre

Les JA brandissent des pancartes à l'arrivée de Marc Fesneau, ministre de l'Agriculture.
Les JA se sont levés en silence face à Marc Fesneau, ministre de l'Agriculture pour lui demander des actes.

Si le rapport d’orientation représente le moment d’interaction culminant où accords et divergences sont partagés publiquement, un sujet, énoncé à plusieurs reprises durant les trois jours d’événement, faisait consensus : la défense de l’élevage. Tous les agriculteurs sans exception ont fait bloc pour rappeler l’importance de défendre ce secteur régulièrement mis à mal. Les JA ont notamment pointé la contradiction entre les propos du président de la République qui ne cesse de marteler l’objectif de souveraineté alimentaire de ceux tenus par certains membres du gouvernement. « Il est temps de remettre de l’ordre dans la boutique », a déclaré avec fermeté Arnaud Gaillot dans son discours de clôture sous les yeux du ministre de l’Agriculture Marc Fesneau.

Au moment d’ailleurs où ce dernier s’apprêtait à prononcer le sien, les JA présents dans la salle se sont levés à l’unisson et ont brandi des pancartes où il était écrit « Des actes ! ». (voir encadré tout en bas)

« Monsieur le ministre, je me fais le porte-voix de l'ensemble de nos régions de France métropolitaine et d'outre-mer. Vous n'êtes pas sans savoir qu'il y a des attaques incessantes sur l'élevage, insupportables, nous avons aussi un sujet sur les EGA (les États généraux de l'agriculture) nous attendons des actes Monsieur le ministre", a appuyé Pierrick Horel, secrétaire général des JA.

Si l’élevage se réduit, les importations de viande continueront d’augmenter, explique la profession qui rappelle que la consommation carnée croît chaque année. Une situation jugée aberrante au vu des enjeux de souveraineté alimentaire et d’impact carbone. « Opposer les modèles, les corporations, les métiers, ça ne nous aide pas à être dans de bonnes dispositions. Le faire de manière apaisée en discutant avec nos concitoyens nous ferait le plus grand bien », a ensuite tempéré Pierrick Horel.

Quelle(s) agriculture(s) demain ?

Une table ronde s'est tenue pour évoquer l'agriculture de demain.

Une table ronde consacrée au futur de l’agriculture s’est déroulée le troisième jour. Numérique, utilisation des données, systèmes de production résilients demain face au réchauffement climatique ont figuré parmi les sujets abordés. « L’agriculture, principale cause [du réchauffement climatique], principale victime et principale solution. On peut être les trois à la fois ce n’est pas incompatible » a partagé Pierre Prigent, responsable du programme Agriculture et Alimentation à WWF, l’un des intervenants.

Ces trois jours riches en rencontres et débats n’ont pas omis de laisser place à des moments de convivialité. Le sens de l’accueil, l’ambiance folklorique, le cadre d’exception face à la mer et les bons plats proposés ont fini de charmer les pirates JA.

« Tous les ingrédients étaient réunis, on a eu raison de vous faire confiance », a ainsi salué Arnaud Gaillot s’adressant aux JA organisateurs.

Le président JA qui s’est dit « heureux et fier » de la qualité des échanges et des moments de convivialité a tenu un discours offensif en conclusion du congrès. Il a notamment insisté sur l’obligation de ramener de la valeur dans les fermes en appliquant stricto sensu les EGA. « Une entreprise qui n’est pas saine financièrement ne peut réussir les transitions » a-t-il ainsi exprimé. Revenant sur l’adoption du rapport d’orientation, l’un des plus longuement débattu, Arnaud Gaillot a insisté sur l’importance d’avoir un débat public qui « respecte la parole des uns et des autres » en « prenant de la hauteur, dans le calme et en appliquant les principes démocratiques ». Sur le sujet de l’élevage, il a pointé non sans fermeté les positions contradictoires émanant au sommet de l’Etat. Sur la prédation, il est revenu sur la tenue des Assises de la prédation début juin, affirmant que « ceux qui sont en voie de disparition, ce ne sont pas les loups mais les agriculteurs de ces territoires. »

Il a également rappelé les travaux menés par JA sur le PLOAA (Pacte et loi d’orientation agricole et d’avenir) en déclarant qu’il fallait « créer un choc d’attractivité » pour donner envie aux jeunes de s’installer qui passerait par « une école du 21e siècle » davantage portée sur le numérique en développant l’apprentissage et en incitant en parallèle à la formation continue.

*bagad : formation musicale à base d'instruments traditionnels de la Bretagne

*biniou : cornemuse bretonne

Les JA vent debout !

C’est d’un seul homme que les JA présents au congrès se sont levés au moment où le ministre de l’Agriculture Marc Fesneau allait prononcer son discours. Dans leurs mains, des pancartes où il était inscrit « Des actes ! ». « Monsieur le ministre, vous n’êtes pas sans savoir qu’il y a des attaques incessantes contre l’élevage, mais aussi un sujet sur les EGA, nous attendons des actes monsieur le ministre », a déclaré Pierrick Horel, secrétaire général de Jeunes Agriculteurs. L’élu JA a aussi rappelé au ministre la nécessité d’une planification écologique et d’avoir des réponses concrètes sur la question de la prédation.

À la tribune, le ministre s’est voulu rassurant en rappelant les nombreuses mesures déjà mises en place ou sur le point d’être réalisées par le gouvernement : application de la loi Egalim, réforme de l’assurance récolte, soutien à la filière bio, aux filières fruits et légumes, plan eau, etc. Concernant l’élevage, Marc Fesneau a dit apporter tout son soutien au secteur. « Tandis que certains viennent taper sur l’élevage, ils vont défendre la viande cellulaire. C’est un concept tout de même ! », a-t-il lancé. Une référence à peine voilée au ministre de l’Économie Bruno Lemaire. Durant son discours, Marc Fesneau a insisté sur le devoir de cohérence au niveau européen « pas de surtransposition », au niveau national « le respect de la loi pilotée par la raison et non l’émotion » et une cohérence collective « des entreprises et des citoyens ».  « Si on défend les prairies et les haies alors il faut défendre l’élevage », a-t-il ainsi déclaré.