Politique et société

Congrès JA : du terrain aux idées, un syndicalisme en mouvement

Trois jours d'échanges, de débats et de décisions syndicales au cœur du Gers. Du 3 au 5 juin, le 58e Congrès national de Jeunes Agriculteurs a rassemblé près de 500 participants à Auch. Installé dans le complexe sportif de Mouzon, ce rendez-vous annuel a mêlé moments conviviaux et débats stratégiques autour de l'avenir du syndicat, du renouvellement des générations et de la souveraineté alimentaire.

Les congressistes, à l'occasion de la 58e édition du Congrès Jeunes Agriculteurs à Auch.
Discours d'ouverture du Congrès, Pierrick Horel.

Dès l’ouverture du congrès, le président de Jeunes Agriculteurs a donné le ton, «  "JA 2026" se veut une refondation en profondeur du fonctionnement du syndicat. Gouvernance, pratiques internes, modes d'action, tout est remis à plat. Il faut écouter la base et redonner du souffle à notre engagement », a-t-il plaidé. Pierrick Horel n’a pas manqué de revenir sur les résultats des dernières élections aux Chambres d’agriculture et a assumé une forme d’autocritique. « Ces résultats doivent nous interroger et nous faire bouger pour continuer de rester la première force syndicale. »

Une remise en question qu’il associe directement au projet de transformation en cours : « Comment faire réseau, avec des profils d’agriculteurs et des attentes qui évoluent ? Comment penser et accompagner l’agriculture de demain ? Comment influencer et mobiliser, et enfin comment communiquer à l’heure où tout va si vite ? » Ces questions, selon lui, seront au cœur de la seconde moitié de son mandat, avec une ambition affirmée : réinventer le syndicalisme, sans tomber dans la colère ni la démagogie. « C’est notre responsabilité. Nous prendrons notre part du travail pour continuer à alimenter la flamme de l’espoir chez les jeunes, loin des fausses promesses », assure le président.

Remettre l’agriculteur au cœur des structures coopératives et mutualistes

Le rapport d’orientation 2025 s’est articulé autour de ce thème central. Sur les 58 pages du texte, 133 amendements étaient soumis au débat de cette séquence phare du congrès, qui s’est étalée sur près de dix heures. « Vous vous souvenez tous des blocages, des déversements de lisier devant les banques ou la MSA. Ces actions, parfois fortes, ont mis en lumière un malaise profond : la fracture entre les agriculteurs et les structures censées les accompagner. Un constat s’impose : ces structures sont mal connues, mal comprises, souvent mal adaptées aux réalités et attentes du terrain. Elles peinent à remplir pleinement leur mission. Notre objectif : redonner du sens au projet coopératif, renforcer la démocratie interne, inventer de nouvelles formes de coopération, ouvertes et modernes. À quoi servent encore les coopératives, les banques, la MSA, si les agriculteurs ne s’y reconnaissent plus ? Nous ne sommes pas là pour tout brûler, ce n’est pas notre culture. Mais il est urgent de repenser ces outils, de les réinventer. Car s’ils ne répondent plus aux besoins des agriculteurs d’aujourd’hui et de demain, alors leur avenir est en jeu », a expliqué en préambule Stéphanie Lebègue, membre du conseil d’administration national et rapporteure du texte. Débattu et amendé, le rapport a suscité un large consensus. Parmi les propositions marquantes : fixer une durée minimale de trois ans pour les contrats coopératifs, malgré la réticence de quelques délégations qui plaidait pour cinq ans, renforcer la place des jeunes dans les conseils d’administration et garantir la transparence autour des « doubles casquettes ».

Les rapporteurs du RO :  Romain DELERIS, Membre du conseil d’administration de Jeunes Agriculteurs, Vincent FERRY, Membre du bureau de Jeunes Agriculteurs, Stéphanie LEBEGUE, Membre du conseil d’administration de Jeunes Agriculteurs
Les rapporteurs du RO : Romain DELERIS, Membre du conseil d’administration de Jeunes Agriculteurs, Vincent FERRY, Membre du bureau de Jeunes Agriculteurs, Stéphanie LEBEGUE, Membre du conseil d’administration de Jeunes Agriculteurs

Une PAC qui parie sur l’avenir

Pierrick Horel, président Jeunes Agriculteurs. CP : Christophe Soulard

Lors de la séance de clôture, Pierrick Horel a livré un discours traçant un cap clair pour sa dernière année de mandat. Il y a posé les jalons des revendications syndicales à l’échelle européenne, en vue des prochaines négociations sur la politique agricole commune. Le président de JA appelle à « une Pac qui parie sur l’avenir du secteur et qui se place au service d’une nouvelle ambition de production agricole. » Le budget de cette politique doit selon lui rester « la priorité dans les discussions du Cadre financier pluriannuel, à la hauteur des ambitions en matière de souveraineté alimentaire ». Pierrick Horel plaide pour une revalorisation budgétaire, tenant compte à la fois de l’inflation et de la volonté politique européenne.

Autre ligne rouge défendue par Jeunes Agriculteurs, la prise en compte systématique du renouvellement des générations, avec une demande claire portée aux institutions européennes. « 10 % du budget, c’est ce que nous demandons, aux côtés du Ceja. Plus aucun jeune ne doit s’installer hors du dispositif d’accompagnement à l’installation », a martelé Pierrick Horel, déclenchant une salve d’applaudissements dans la salle, sous les yeux de la ministre de l’Agriculture, présente pour l’occasion. En clôture, le geste symbolique n’a pas manqué. Le président de JA a remis en mains propres à la ministre le document revendicatif sur la PAC. « Pour défendre notre Pac face à Ursula Von der Leyen, mais aussi contre l’accord du Mercosur, vous avez des gants maintenant », a lancé Pierrick Horel, en référence aux gants de boxe rouges qui lui avaient été offerts plus tôt dans la matinée lors de la séquence des JA Awards.

 

Souveraineté alimentaire et annonces ministérielles

Une séquence dédiée a ouvert la réflexion sur la planification agricole et la souveraineté alimentaire, en présence d’Agnès Pannier-Runacher, ministre de la Transition écologique, ainsi que de plusieurs acteurs du monde agricole et agroalimentaire. L'occasion aussi pour la ministre de l’Agriculture Annie Genevard d'annoncer, lors de son discours, un renforcement significatif de l'aide complémentaire au revenu des jeunes agriculteurs (ACJA), qui passera de 4 400 € à 5 300 € en 2026 et 2027. Une augmentation de 25 %, financée via un transfert de reliquats du PSN vers le premier pilier de la PAC, soit plus de 55 millions d'euros. « C'est une victoire pour les jeunes ! », s'est félicité le syndicat JA. Autre annonce, « la simplification des contrôles DJA, afin de limiter les risques de remboursement ».

Jeunes Agriculteurs a offert à la ministre une paire de gangs rouges lors de la séquence des JA Awards.
Jeunes Agriculteurs a offert à la ministre une paire de gangs rouges lors de la séquence des JA Awards.

Guillaume Fauqué, président JA du Gers

Guillaume Fauqué, président Jeunes Agriculteurs du Gers.

« Soyez assurés que tout le monde se sent un peu gersois aujourd’hui ! », a lancé Pierrick Horel en remerciant les organisateurs. En amont de son discours, Guillaume Fauqué nous confiait les clés de la réussite de ce congrès « L’objectif principal, c’était de mettre le focus sur notre département. On a misé sur la convivialité et la création de moments d’échange entre JA venus de toute la France. Il fallait aussi que les JA du Gers se sentent impliqués, qu’ils voient le syndicat national s’installer chez eux, dans un territoire où l’on a souvent plus de problématiques que de visibilité. Et pour les non-adhérents, c’était l’occasion de leur montrer ce que signifie être JA : de la convivialité, mais aussi du travail. C’est ça, le but. Et on est très heureux d’avoir accueilli deux ministres [Annie Genevard et  Agnès Pannier-Runacher]. »

Prochains rendez-vous, l’Ain

Le prochain congrès national aura lieu en 2026 à Bourg-en-Bresse, dans l'Ain. Une échéance électorale importante, où les réflexions engagées cette année devraient porter leurs fruits. En attendant, les jeunes agriculteurs repartent avec un cap clarifié, des débats vivifiants et une mobilisation réaffirmée sur le terrain.