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Animaux et humains, dans le même bateau pandémique

Nous sommes entrés dans une nouvelle époque, marquée par des risques d’épidémies et d’épizooties, face auxquels le monde doit se réarmer.

Cochon

La terrible pandémie actuelle illustre tragiquement deux faits importants, qui ont donné lieu à des avertissements scientifiques clairs, et qui vont exiger des réactions fortes. Primo, nous sommes entrés dans l’ère des pandémies. Deuxio, cette ère inclut également les animaux, notamment d’élevage.  

Le Covid-19 n’a rien d’un monstre inédit et imprévisible. L’épidémiologue Pasi Penttinen, qui travaille à l’ECDC, le Centre européen de contrôle des maladies, l’explique : « Au cours des 18 dernières années, nous avons eu au moins 5 avertissements pandémiques : le Sras, la grippe H1N1, le Mers, Zika et Ebola. Tous les professionnels se doutaient bien qu’une pandémie arriverait un jour. Nous savions même, suite au Sras et au Mers, que les coronavirus étaient de très bons candidats, et que l’Asie du Sud-Est faisait partie des régions d’émergence les plus probables. La seule chose qui nous a étonnés a été la vitesse à laquelle la pandémie s’est répandue et a gagné les cinq continents. »

Les raisons pour lesquelles l’on assiste à l’émergence et la propagation de maladies nouvelles sont en effet faciles à comprendre. D’abord, les humains sont beaucoup plus nombreux et concentrés, une situation qui favorise inévitablement les maladies. La population humaine frôle les huit bmilliards d’habitants (contre 1,3 il y a un siècle), l’urbanisation les 60 % (contre 20 %).

Ensuite, notre mobilité est sans précédent : le nombre de voyageurs et le volume de marchandises transportées ont explosé pour tous les modes de transport, notamment l’aviation. Cette dernière est la grande responsable de la mondialisation du coronavirus.

Enfin, et surtout, l’expansion humaine a poussé les villages et les activités humaines (agriculture, foresterie, mines…) à s’enfoncer profondément dans les forêts. Ce contact massif avec des millions de microbes inconnus portés par les animaux sauvages est l'un des grands facteurs de risque de notre époque.

Un fait important est que tout ceci s’applique aussi aux animaux d’élevage. Il y a désormais sur terre près d’1 milliard de cochons et 20 milliards de volailles, des chiffres astronomiques. Ils sont concentrés pour beaucoup dans des exploitations de tailles inédites. Et nos animaux voyagent infiniment plus qu’avant, avec leurs microbes.

Les animaux ne sont pas épargnés

Homogénéisés génétiquement, nos élevages aussi ont été poussés dans les forêts. On trouve par exemple sur les marchés de brousse d’Asie et d’Afrique, des cochons vivants, en cage ou errant dans les allées, ainsi que des cochons sauvages et domestiques morts, découpés pour leur viande. Rien d'étonnant à ce que le monde connaisse actuellement une pandémie de fièvre porcine bien plus meurtrière que le coronavirus.

Ce parallélisme entre humains et animaux a conduit à une nouvelle approche de la santé, dite « OneHealth » (« une seule santé »), qui englobe santé humaine, animale et santé des écosystèmes, et s’efforce de coordonner ces trois disciplines.

Cette approche exige un réarmement sanitaire global. Il existe une vaste palette de mesures à prendre pour réduire le risque sanitaire, regroupées sous le terme de « préparation pandémique ». Ces mesures – qui tombent dans l’oubli après chaque alerte épidémique – sont efficaces et bien connues. En amont, il faut promouvoir la recherche sur les vaccins et les traitements, et une intense activité scientifique dans les zones d’émergence de virus pour identifier lesquels circulent et représentent une menace. Lorsque des infections locales éclatent, il faut les détecter et faire circuler l’information internationalement, sur le champ. Enfin, il faut être prêt, logistiquement parlant (matériel et compétences), à agir très rapidement, et de manière internationalement coordonnée.

Cette préparation, à laquelle nous nous devons de réfléchir en profondeur, a un coût certain… mais négligeable par rapport à celui d’une pandémie incontrôlée.