Accord UE-Mercosur : la Commission adopte le texte, la France hésite
Bruxelles a validé, mercredi 3 septembre, le projet d’accord commercial avec le Mercosur. L’exécutif européen assure avoir ajouté des garanties pour les filières agricoles sensibles. Mais en France, syndicats et gouvernement restent divisés, entre prudence et opposition.

La Commission européenne a franchi un cap en validant, le 3 septembre, le projet d’accord de libre-échange entre l’Union européenne et le Mercosur (Brésil, Argentine, Uruguay, Paraguay). Le texte, fruit de négociations conclues fin 2024, ouvre désormais la voie à un processus de ratification qui pourrait aboutir dès la fin de l’année, tant que le Brésil conserve la présidence tournante du Mercosur. « Nous avons mis en place des garanties encore plus solides, juridiquement contraignantes, pour rassurer les agriculteurs », a affirmé Ursula von der Leyen, présidente de la Commission, dans un message diffusé sur X. L’exécutif européen promet un nouvel « acte juridique » destiné à renforcer les clauses de sauvegarde, afin de protéger certaines filières – viande bovine, volaille, sucre ou éthanol – en cas d’afflux massif d’importations. À Bruxelles, le commissaire au commerce Maroš Šefčovič a précisé que ce dispositif permettrait de suspendre temporairement des quotas si les importations menaçaient de causer « un préjudice grave ». La Commission annonce par ailleurs des enquêtes accélérées et une surveillance renforcée, avec des rapports semestriels au Parlement européen.
Une France partagée entre prudence et méfiance
En France, les premières réactions oscillent entre prudence et fermeté. La porte-parole du gouvernement Sophie Primas a salué une avancée, tout en appelant à « analyser cette clause de sauvegarde ». Même tonalité du côté de Laurent Saint-Martin, ministre du commerce extérieur : « S’il y a une réponse technique qui nous donne satisfaction, nous regarderons le texte avec plus de bienveillance. Sinon, nous resterons opposés. » La ministre de l’agriculture Annie Genevard a souligné que ces nouvelles garanties étaient « un élément nouveau », obtenu à l’initiative de la France, mais elle maintient ses réserves : « Certaines de nos filières agricoles ne peuvent être la variable d’ajustement de cet accord. Il faut que ces garanties soient pleinement opérationnelles, accompagnées de mesures miroirs et d’un véritable renforcement des contrôles sanitaires. »
Les syndicats vent debout
Pour Jeunes Agriculteurs et la FNSEA, l’annonce de Bruxelles n’atténue en rien leur opposition. Dans un communiqué commun, les deux organisations dénoncent « un accord toxique, incompréhensible et dangereux pour les agriculteurs français ». « Cet accord est une offense à l’encontre des jeunes agriculteurs », estime Pierrick Horel, président de Jeunes Agriculteurs.
« Ce n’est pas en important massivement des produits agricoles qui ne respectent pas nos normes que nous parviendrons à reconquérir notre souveraineté alimentaire. »
Arnaud Rousseau, président de la FNSEA, fustige pour sa part « un affront » : « Depuis des mois, les agriculteurs européens expriment leur désaccord. Faire la sourde oreille ne fera que raviver la colère. » Le Copa-Cogeca dénonce également « un passage en force politique profondément dommageable », et appelle à une mobilisation dès ce jeudi 04 septembre à Bruxelles.
Pour la Commission, l’accord représente pourtant une opportunité stratégique. Il doit permettre aux exportateurs européens – notamment dans l’automobile, les machines, les vins et spiritueux – d’économiser près de 4 milliards d’euros de droits de douane par an sur un marché de 700 millions de consommateurs.
Une ratification encore incertaine
Si la France maintenait son opposition, elle devrait réunir une minorité de blocage avec au moins trois autres pays. Mais plusieurs États, dont l’Italie et l’Allemagne, se montrent favorables à l’accord, notamment pour soutenir leurs industries exportatrices. Donald Tusk, premier ministre polonais, a déjà prévenu : « La Pologne s’opposera au Mercosur pour défendre ses producteurs agricoles. Mais il n’y a actuellement aucun partenaire pour bloquer cette initiative. »
La bataille autour du Mercosur s’annonce donc complexe. Entre promesses de garanties, pressions diplomatiques et mobilisation syndicale, le sort de l’accord dépendra désormais des débats au Conseil de l’UE et au Parlement européen dans les prochains mois.