Innovations

Un herbicide naturel découvert par hasard !

Un produit naturel, doté de propriétés herbicides puissantes, vient d’être découvert par une équipe française. Peut-être le début d’une grande aventure agronomique ?

Gros plan sur l'hépatique, plante dont est issue la radulanine.

On le sait, le hasard joue un grand rôle en science. Faire une découverte alors que l’on cherchait autre chose a même un nom, la sérendipité. Depuis l’invention des antibiotiques par Fleming (ses cultures bactériennes furent accidentellement contaminées par des champignons fabricant la pénicilline), jusqu’à la mise au point du Viagra (qui était censé traiter la tension artérielle), la sérendipité a rythmé le progrès scientifique.

Et un nouvel exemple vient d’en être donné avec la découverte d’un remarquable effet herbicide chez une molécule naturelle.
Son histoire mérite le détour : En 2018, Bastien Nay, chimiste au CNRS et à l'Ecole Polytechnique, travaillait à améliorer la synthèse d’une molécule organique complexe, la cinéréaine. Mais alors qu’il faisait face à une étape particulièrement critique de la phase de fabrication, le chimiste décide de réaliser d’abord la synthèse d’une autre molécule, plus simple et de structure identique, la radulanine.

Le succès fut direct ! Les scientifiques réussirent sa synthèse en s’appuyant sur une « recette » qui ne nécessite aucuns réactifs rares ou chers. Encouragés par ces bons résultats, la radulanine commença à faire naître plus que de la curiosité chez les chercheurs. Pouvait-elle servir à autre chose ?

Naturellement présente dans les hépatiques, petites plantes appartenant à la famille des mousses, la radulanine est une molécule difficile à récolter et à extraire en quantité suffisante. Mais à partir du moment où l’on sait la fabriquer, la donne change considérablement !

Des propriétés insoupçonnées

Mais quels effets intéressants pouvait avoir ce produit, dont, hormis sa structure chimique, on ne connaissait quasiment rien !

Des effets antibiotiques ? Insecticides ? Anticancéreux ? Très intuitif, Bastien Nay raconte : « J’ai remarqué que la structure de la molécule, que nous avions synthétisé, ressemblait à celle de l’acide lunularique, dont la fonction biologique se rapproche de celle de l'acide abscissique, une hormone végétale qui fait tomber les feuilles à l’automne et provoque la dormance des plantes. Par analogie, je me suis donc dit : et pourquoi ne pas tester une possible activité herbicide ? ».

Très vite, un protocole fut mis en place. Le principe : exposer des graines germées d’arabette, une plante de laboratoire couramment utilisée, pour modéliser les adventices à des doses croissantes de radulanine, et comparer les résultats avec les molécules du glyphosate. Et là encore, surprise !

La radulanine, à 50 mg par litre, présente la même activité herbicide que le glyphosate à 25 mg par litre. Un écart jugé modeste. Dans le contexte actuel de défiance vis-à-vis de la plupart des molécules de synthèse, la composition naturelle de la radulanine fait naitre d’importants espoirs. Les chercheurs ont immédiatement breveté leur découverte.

Avant de disposer d’un produit naturel aussi efficace que le glyphosate, plusieurs années seront surement nécessaires. La durée de vie du produit, sa possible toxicité vis-à-vis de l’environnement, ses effets sur les autres adventices, ses modalités d’action, etc. Tous ces critères devront évidemment être analysés. Les auteurs de cette découverte espèrent, néanmoins, être au début d’une aventure qui apportera des réponses concrètes à l’agriculture de demain.