Sur le terrain

Maraîchère en Amazonie française

May Choua Guerra est maraîchère à Javouhey, en Guyane. Elue JA à la chambre d'agriculture, elle raconte l'aventure que représente la production agricole dans ce coin de France au bout du monde.

May Choua Guerra, élue JA en Guyane

La Guyane, c'est ce gros morceau de France en Amérique latine, bordé au sud par le géant brésilien, et au nord par le Surinam. Le Drom (département-région d'outre-mer) est couvert à 96 % par la forêt amazonienne. Pour autant, l'agriculture n'y est pas en reste : en plein essor, la SAU guyanaise a augmenté de près de 20 % entre 2010 et 2016. La Guyane compte 6 400 exploitations. C'est dans paysage que May Choua Guerra est installée en maraîchage, sur une partie de la ferme de ses parents. « Cultiver ici n'est pas simple, explique-t-elle. Les adventices poussent en permanence, et nous manquons de moyens de lutte adaptés. Les produits phytosanitaires, par exemple, qui sont autorisés ici sont adaptés à la métropole, pas à notre climat ».

Initialement enseignante, May Choua Guerra s'est tourné plus tardivement vers l'agriculture. « En 2012, mon père m'a dit que dans quatre à cinq il allait partir à la retraite. Si nous voulions reprendre, il fallait se préparer. Avec deux de mes frères, nous nous sommes lancés ». Après une formation agricole, elle débute sur une partie des terres. Une décision prise « par conviction », explique l'intéressée, déroulant le fil de son histoire.

 

 

Hmong et fière de son histoire

May Choua Guerra est issue d'une famille Hmong. Ces réfugiés politiques, alliés de la France et des États-Unis lors des guerres en Indochine puis au Vietnam, ont fui le Laos dans les années 70, et demandé asile. Certains s'installèrent en Guyane, au sud, à Cacao, et au nord, à Javouhey.

« Mes parents se sont installés en 78, relate May Choua Guerra. S'installer, c'est aussi prendre la suite de notre histoire, dont nous sommes fiers ».

La Guyane se caractérise par une importante mixité sociale : les Hmong y côtoient des Amérindiens, des Bushinengués, descendants d'esclaves noirs ayant fui les plantations du Suriname, des Créoles, des « métros », venus de l'Hexagone...

« L'agriculture, c'est aussi une facette de l'identité de chaque ethnie composant la culture guyanaise. C'est important de ne pas oublier ça, de faire perdurer les traditions », ajoute May Choua Guerra.

Elle cultive sous serre non chauffée et en plein champ des plantes aromatiques et des légumes : aubergines, choux, poivron, haricots... Sa production est commercialisée sur les marchés, « et nous sommes en train de monter un marché de producteurs », ajoute la productrice. Installée depuis 2014, avec une DJA obtenue en 2017, la maraîchère est élue à la chambre d'agriculture au collège des chefs d'exploitation inférieure à 10 ha et assimilés depuis 2019, où elle est la seule représentante JA. Elle y suit notamment les questions d'installation, point sensible en Guyane. « Le foncier, c'est le gros dossier. Le parcours est long, et nous manquons d'informations », dénonce May Choua Guerra. En général, les installations se font sur des terrains recouverts de forêt, qu'il faut défricher avant toute plantation, tâche fastidieuse, et durant laquelle le futur agriculteur ne touche aucune rémunération. Etre élue, « ce n'est pas toujours évident au début, observe l'intéressée. Mais je me sens beaucoup plus confiante aujourd'hui ».