Politique et société

Des farines animales problématiques

La Commission européenne a ouvert la porte à la réintroduction des farines de viande dans l’alimentation animale. Un feu vert sous conditions qui interroge les professionnels de l’élevage en France.

Une usine de nutrition animale en Bretagne

On ne l’avait pas vu venir. La Commission européenne a validé au cœur de l’été, dans un règlement daté du 17 août 2021 (2021/1372), le retour des farines animales dans l’alimentation du bétail. Elles avaient été bannies en Europe en 2001 pour lutter contre le risque sanitaire d’encéphalopathie spongiforme bovine apparu à la fin des années 1990. Mais sans fermer la porte à leur retour. Dès 2010 en effet, la Commission indiquait que « toute éventuelle réintroduction de l’utilisation des (Protéines animales transformées ou Pat) dérivées de non-ruminants dans l’alimentation d’autres espèces de non-ruminants (devrait) être subordonnée à l’application de méthodes d’analyse efficaces et validées ». Après différents avis scientifiques publiés en 2012, 2015 et 2018, la Commission a donc tranché.

Pourquoi travailler à leur réintroduction ? Dans un rapport au Parlement européen en date du 22 novembre 2018, la Commission indiquait que « les Pat constituent une excellente matière première pour l’alimentation des animaux (…) », dans le cadre de sa stratégie visant « à réduire la dépendance de l’Union vis-à-vis des pays tiers pour son approvisionnement en protéines ». Dans son règlement de cet été, la Commission européenne encadre sévèrement l’utilisation future des Pat dans l’alimentation animale. En l’occurrence, il s’agit d’autoriser uniquement celles « d’origine porcine dans les aliments pour volailles et celles d’origine avicole dans l’alimentation des porcins », dit le règlement.

 

Un sujet pas encore tranché à JA

Il ne pourra donc y avoir, dans ce gisement futur, de farines de ruminants données à d’autres espèces. De la même manière, aucun ruminant ne pourra en bénéficier dans son alimentation. Le règlement précise que des contrôles nombreux seront effectués sur toute la chaîne (collecte, transport, transformation) « afin d’éviter tout risque et de contribuer à la vérification de l’absence de contamination croisée par des protéines de ruminants interdites et de recyclage intra-spécifique ».

À JA, « ce sujet n’a pas encore été tranché, explique Gérard Pichot, membre du Conseil d'administration national. Il nous faut faire appel au réseau et voir si les industriels et les éleveurs sont prêts à y aller. » Il faut également prendre en considération le consommateur, sans doute le sujet « le plus compliqué. La France est réputée pour la qualité de sa production alimentaire. Il faut donc prendre le temps avant d’adopter une position claire et officielle sur ce sujet. »

Pour Nutrinoé, l'organisation qui regroupe des fabricants bretons d’aliments du bétail, la perspective d’un retour des farines animales pose problème. Selon son président Hervé Vasseur, il est extrêmement compliqué d’envisager l’introduction de farines animales dans des formulations sorties d’usines de production multi-espèces, « où le risque de contaminations croisées est un risque majeur ». En outre, ajoute-t-il en substance, ces fabrications sont destinées à des filières travaillant avec des cahiers des charges qui revendiquent aujourd’hui une alimentation 100 % végétal.

Il rappelle que les graisses animales sont autorisées depuis plusieurs années. « Personne n’y a été. Les opérateurs ont préféré mettre l’accent sur les graisses végétales, en particulier l’huile de palme. » Maintenant, dans le concert des bassins d’élevage en Europe, il pourrait y avoir des distorsions de concurrence entre les pays se posant moins de questions éthiques que la France. Pour autant, le ministère de l’Agriculture a indiqué à l’AFP, vendredi 3 septembre, « qu’il vient de demander un nouvel avis à l’agence sanitaire nationale pour se « positionner » sur le sujet ».