Innovations

Des drones et des bulles pour polliniser les vergers

Lorsque les pollinisateurs ont disparu, des scientifiques proposent de confier leur tâche à des machines à bulles.

Bulle sur campanule.

La pollinisation manuelle est une stratégie paysanne ancienne pour pallier le manque de pollinisateurs. Au Japon, notamment, certains vergers traditionnels de poires sont plantés à des altitudes où il fait trop froid pour les abeilles au moment de la floraison. Les agriculteurs y utilisent des pinceaux à plume pour féconder les fleurs, bien que cette opération soit particulièrement chronophage.

Mais ce qui était une curiosité locale risque de se généraliser du fait du déclin mondial des populations de pollinisateurs, qui touche en Europe 37 %  des abeilles et 31 % des papillons (sous l’effet combiné des pesticides, de la destruction des milieux et du réchauffement climatique). La situation est si grave que de nombreuses équipes scientifiques cherchent des moyens pour abaisser le coût de cette opération, développant par exemple des robots pulvérisateurs capables de projeter un liquide contenant du pollen.

La plupart de ces technologies butent cependant sur la délicatesse des fleurs, dont elles endommagent une forte proportion. Mais une équipe japonaise, dirigée par Eijiro Miyako du Jaist (l’équivalent nippon du CNRS) pourrait bien avoir trouvé une solution. Après avoir échoué à développer un petit drone couvert de poils gluants, trop destructeur, le chercheur a eu l’idée d’utiliser un pistolet à bulles, une après-midi où il jouait avec son fils âgé de trois ans.

Une énorme économie de pollen

Il a développé un mélange savonneux optimal en utilisant un composé classique des shampoings pour bébé, la lauramidopropyl-bétaïne, dosé à 0,4 % (le liquide doit en effet être assez visqueux pour former des bulles durables, mais pas trop pour qu’elles soient assez nombreuses...). Les grains de pollen, incorporés à ce mélange, sont portés par les bulles et se déposent sur les pistils lorsqu’elles y éclatent. La pollinisation est à peu près garantie si de deux à dix bulles éclatent sur chaque fleur.

La concentration de pollen idéale, qui forme des bulles portant environ 2 000 grains, permet d’économiser une grande quantité de pollen par rapport à toutes les autres méthodes de pollinisation artificielles. De l’ordre de 30 000 fois moins, selon une interview du chercheur au New York Times ! Ceci est très important pour réduire le coût, car la collecte du pollen est très onéreuse.

95 % des fleurs ont donné des fruits

Les chercheurs ont commencé par développer la technologie en laboratoire, sur des campanules, puis en plein air. Ils ont ensuite monté le pistolet à bulle sur un drone, et testé sa capacité à polliniser un vrai poirier. 95 % des fleurs de l’arbre ont porté des fruits, un résultat qui peut être considéré comme un succès.

Bien sûr, ce résultat doit être considéré comme préliminaire. Un vrai verger est un environnement complexe. Le vent peut par exemple y perturber considérablement la trajectoire des bulles, et il n’est pas certain que des conditions météo acceptables pour cette technologie soient nécessairement au rendez-vous dans la fenêtre de floraison (sauf en serre). Les chercheurs travaillent également sur des surfactants plus écologiques, car une de leurs craintes serait que les rares pollinisateurs encore présents soient intoxiqués par les produits apportés par les bulles sur les fleurs… et personne de raisonnable ne voudrait d’une solution qui aggrave encore le problème !