Politique et société

Sia 2023 : le renouvellement des générations dans tous les esprits

Le Salon de l’Agriculture a ouvert ses portes le samedi 25 février, inauguré par le président de la République en personne. Si l’événement reste une occasion unique de rapprocher urbains et ruraux, il est aussi un moment propice pour le secteur agricole de faire sa promotion en montrant la panoplie des métiers qu’il propose. L’objectif est simple : inciter le maximum de jeunes et de moins jeunes à se lancer dans l’aventure.

Sia 2023 : le renouvellement des générations dans tous les esprits

Certains chiffres valent souvent mieux que des longs discours. D’ici moins de 10 ans, plus des deux tiers des agriculteurs de la ferme France seront en âge de prendre leur retraite. À donner le tournis, cette réalité oblige à une réponse urgente. Alors que le Salon de l’Agriculture vient à peine de s’ouvrir, ce défi du renouvellement des générations en agriculture est sur toutes les lèvres. Comment y répondre ? Le syndicat Jeunes Agriculteurs, qui en a fait sa raison d’être, sait que la solution ne se trouve pas uniquement au sein du monde agricole, et que pour compenser au maximum les nombreux départs à venir, il faudra impérativement attirer de nouveaux publics.

Pour ce faire, la question du revenu reste centrale, soulevée d’ailleurs une nouvelle fois par le président Macron lors de sa visite. « Il faut préserver les marges des producteurs », a-t-il ainsi souligné. Rappelant la mise en place d’Egalim 1 puis 2, et à la veille de la clôture des négociations commerciales le 1er mars, Emmanuel Macron a demandé aux distributeurs de faire « un effort sur leurs marges » afin de répartir au mieux la valeur au sein de la chaîne agroalimentaire. Si la juste rémunération s’avère déterminante pour rendre attractif le métier d’agriculteur, d’autres paramètres tout aussi cruciaux sont à prendre en compte dans l’équation globale.

Du fait de la participation massive des jeunes au salon, le JA mag en a profité pour partir à leur rencontre afin de les interroger sur ce qu’ils pensent du monde agricole et sur comment ils perçoivent, depuis leur fenêtre, le défi du renouvellement des générations. Leur regard sans concession reflète on ne peut mieux les défis qu’il reste à résoudre.  

Béryl, Apolline et Arthur au Sia 2023.

« Je ne savais pas qu’il y avait un défi démographique. »

« L’agriculture pour moi est reliée au terroir, au patrimoine et à l’histoire aussi », répond Béryl, 22 ans, étudiante en master 1 de droit à Paris et originaire du Vaucluse, venue au salon avec ses copains Arthur et Apolline, étudiants en droit également. « Pour moi, être agriculteur veut dire travailler dur, se lever tôt le matin, faire beaucoup d’heures et pas avoir de vacances. Ce sont des passionnés », témoigne Arthur, 23 ans. Sur la question du renouvellement des générations, les trois compères ne savent pas trop quoi répondre. « C’est une question de transmission, pour ceux qui ne sont pas du sérail agricole, ça doit être très dur », pense Béryl. « Je ne savais pas qu’il y avait un défi démographique », réagit pour sa part Arthur. En guise de fin d’interrogatoire, le JA mag leur a demandé s’ils avaient un petit mot à transmettre aux jeunes qui s’installent. « J’ai envie de leur dire courage, c’est utile ce que vous faîtes », dit Béryl. « On espère qu’ils seront plus reconnus », abonde Apolline.

Lou et Camila.

« Il y a un manque de promotion de ces métiers, or ce sont des métiers d’avenir. »

« Un mot qui définit l’agriculture ? Tracteur ! (rires) », répond tout sourire Lou, 21 ans, étudiante en école de commerce et originaire de Savoie. « Ah si, j’ai un autre mot qui me vient à l’esprit, mais beaucoup moins drôle, c’est suicide », complète-t-elle. « Je pense à la production, au développement durable », indique de son côté Camila, également étudiante en école de commerce et originaire de Normandie. Toutes les deux effectuent un stage à Paris. « Si on me dit agriculteur, je pense à manifestation, blocage (rires). Mais aussi, travail physique, dur », poursuit Camila. Lou acquiesce. Sur le RGA, les deux répondent du tac au tac : « C’est compliqué ! » « Ce ne sont pas des métiers que les jeunes veulent faire, ils ne sont pas assez attractifs, et offrent trop peu de vacances », explique Lou. « Je pense quand même qu’il y a un retour à l’agriculture, qu’il y a une certaine évolution permise avec les nouvelles technologies. Je dirais plutôt qu’il y a un manque de promotion de ces métiers, or ce sont des métiers d’avenir. Face aux enjeux de développement durable, de “sauver la planète”, l’agriculture a une grande part à jouer », développe Camila. Les deux amies ont souhaité paratgé un petit mot aux jeunes qui se lancent dans l’aventure agricole. « Vous êtes les acteurs du monde de demain, bon courage, tenez bon ! » Il s’agit du premier salon pour Lou et Camila qui sont venues rejoindre des copains. « Ici, on est clairement chez les bons vivants ! » lance Lou avant de partir.

Juline, Margot, Morgane et Clémence.

« À l’école, on ne nous parle pas d’agriculture, ou alors que pour nous parler de celle du Moyen Âge. »

Juline, 15 ans, sa sœur Clémence, 17 ans et leur cousine Margot, 17 ans, ont des grands-parents agriculteurs. Elles ont « entraîné » leur amie Morgane, 18 ans, au Salon de l’Agriculture. « On est venues pour voir les animaux, l’agriculture pour nous c’est la ferme », expliquent pleine d’entrain les joyeuses compères toutes originaires de la Manche. « Les agris pour nous ça représente la famille. Ce sont des bosseurs, des gens qui aiment leur métier. » Sur la question du RGA, elles répondent à l’unisson « c’est compliqué ! », avec « la hausse des prix, c’est impossible aujourd'hui de s’acheter une ferme ». « Et puis l’image véhiculée aux infos est toujours négative, on ne montre pas assez les bons côtés » explique Juline. « À l’école, on ne nous parle pas d’agriculture ou alors que pour nous parler de celle du Moyen Âge en histoire géo ! », regrette Margot. « On ne nous parle jamais de ce genre de métiers », renchérit Clémence. Les quatre amies ont tenu unanimement à dire « merci » aux jeunes qui se lancent dans le métier, « merci de prendre la relève, car on a besoin de vous ».

Loïc, Charlotte, Julie, Alexandre et Juliette.

« Il faut rendre le métier plus à la mode. »

Juliette, Julie, Loïc, Alexandre et Charlotte se sont eux aussi donné rendez-vous au Salon de l’Agriculture pour passer un bon moment qui leur rappelle « la convivialité du sud » dont ils sont quasiment tous originaires. « Le métier d’agriculteur est trop sous-estimé à mon sens or il est essentiel », explique à l’unisson la brochette de copains. « Il faut rendre le métier plus à la mode », suggère Loïc. « Sensibiliser dès le plus jeune âge », concourt Juliette. « Et passer des publicités pour donner envie ! », renchérit Julie. Sur le volet RGA, Loïc n’était pas au courant qu’un défi démographique existait. Tous souhaitent remercier les agriculteurs pour leur travail et engagement. « Force et honneur ! », ont-ils lancé pour conclure.

Pierre, Julia, Emma et Rudolphe.

« J’ai envie de leur dire merci, leur job est le plus utile au monde. »

« L’agriculture est liée à la ruralité, à la campagne, aux vaches, à l’élevage », énumère Pierre, 25 ans, ingénieur dans les énergies renouvelables, originaire de l’Aveyron et venu avec plusieurs de ses amis au salon. « Pour moi, je relie l’agriculture au revenu, en me disant que beaucoup d’agriculteurs sont très mal payés », note Rudolphe, 29 ans, chargé de production dans l’audiovisuel et originaire de la Réunion. « Les agriculteurs sont des gens très dévoués, qui travaillent beaucoup. Certains ont plus de 70 ans et continuent le métier », poursuit Pierre balancé entre admiration et étonnement. Pour ce groupe d’amis aussi, le défi du renouvellement en agriculture demeure « compliqué ». « Problèmes de santé, isolement, pas d’aide, dureté du travail… », répond Julia, 26 ans, ingénieure à Paris, originaire du Var. « Il faudrait changer les modes de production, faire plus petit. J’ai l’impression que beaucoup d’agris croulent sous les dettes, car ils se sont embarqués dans une dynamique d’agrandissement et d’investissement effrénée », précise Pierre. « J’ai envie de leur dire merci, leur job est le plus utile au monde », déclare Emma, 24 ans, ingénieure en système embarqué dans l’aéronautique, originaire de Lyon.

Cette poignée de témoignages pris sur le vif reflète toute la difficulté du secteur qui, malgré tous les efforts entrepris, doit encore batailler pour briller pleinement et susciter ainsi encore plus de vocations.