Économie

« Il y a une véritable émulsion du marché des matières premières agricoles »

Alors que la nouvelle campagne démarre, force est de constater une véritable envolée du prix des matières premières agricoles depuis le début de l’année 2021. Arthur Portier, consultant pour Agritel nous livre ses éclairages.

Maïs
Arthur Portier

Depuis plusieurs mois, le marché des matières premières agricoles connait une envolée significative. Quels en sont les principaux facteurs ?

Il y a une véritable émulsion de l’ensemble du marché des matières premières et pas seulement agricoles. Les banques centrales, BCE, FED, aident aujourd’hui massivement les
États. Il y a beaucoup de liquidités sur le marché, qu’il faut placer et investir.
Ainsi, ces derniers mois, nous avons connu un déséquilibre important et plutôt inhabituel du côté de la demande, et notamment une nette hausse de la demande chinoise. À cause de la crise du Covid, des incertitudes sont apparues, de nature logistique notamment avec des blocages de ports par exemple. Dans ce contexte, le gouvernement chinois a pris peur et a préféré sécuriser ses approvisionnements chez lui plutôt que de laisser les stocks chez le vendeur et acheter au compte-goutte.

Ce changement de comportement chinois va-t-il se pérenniser dans le temps ?

C’est la grande question que tous les opérateurs se posent. Actuellement, sa hausse d’importation la plus importante concerne le maïs, avec des volumes situés à 26 mT contre 5,6 mT lors de la campagne précédente. Pour l’orge et le blé, ses achats se situent à 10 mT chacun contre 5-6 millions en 2019.
Aux vues de la dynamique chinoise pour la prochaine campagne qui vient de débuter, on démarre déjà sur les chapeaux de roue. Selon Agritel, on s’attend à une dynamique d’achat peut-être pas aussi soutenue, mais au moins supérieure à la moyenne des dernières années. Il faudra surveiller le cas de la fièvre porcine africaine qui pourra avoir des conséquences sur ses importations. Et ce, alors que d’autres pays sont également revenus aux achats, notamment l’Iran, le Pakistan, l’Égypte et la Turquie qui contribuent à apporter de la fermeté sur le marché du blé.  

Aux vues des récents aléas climatiques mondiaux (sècheresse américaine, précipitations européennes), l’offre est-elle en capacité de suivre cette tendance ?

Pour le cas du maïs, le Brésil, l’un des principaux fournisseurs de la Chine, est en proie à de mauvaises récoltes avec un début de cycle très sec suivi de gelées tardives qui ont eu un impact significatif sur le rendement. Notre cabinet prévoit ainsi une production plus proche des 85 mT plutôt que des 100 mT anticipés il y a encore quelques mois.
Aux États-Unis, malgré de bonnes conditions de récolte pour le maïs de la Corn Belt, le blé de printemps, lui, est en train de brûler sur pied dans le nord du pays, tout comme au Canada où l’on prévoit plus de 10 mT de production en moins par rapport à l’année dernière. Des sècheresses que l'on retrouve également en Russie. Ensuite si on se décale en Europe, nous sommes également dans une situation de confusion. L’excellent potentiel de récolte, notamment en France, est remis en cause par les récentes précipitations. Celles-ci soulèvent des craintes qualitatives également en Allemagne et dans le sud de l’Ukraine.