Politique et société

« Il faut que les indemnisations s’accélèrent »

Président des JA Aura depuis avril dernier, Jocelyn Dubost est céréalier dans le nord du département de l’Isère, installé en Gaec avec son oncle. À l’occasion du Sommet de l’élevage qui se tient actuellement du 4 au 7 octobre, il revient sur les principaux enjeux du monde agricole dans un contexte particulièrement difficile.

 

« Il faut que les indemnisations s’accélèrent »

Avec la sécheresse de cet été et la hausse des prix dû à la guerre en Ukraine, ce Sommet de l’élevage 2022 revêt-il une importance encore plus grande ?

C’est l'événement régional phare de l’année. Il réunit plus de 100 000 personnes et près de 100 nationalités différentes. Sa dimension est internationale. La sécheresse de cet été a touché nos douze départements, avec des pertes de fourrage allant de 65 à 70 % dans certains endroits. On a donc interpelé le ministre lors de sa visite hier. Les déclarations des calamités en vue d’indemniser les éleveurs prennent trop de temps. Et les cartes satellitaires utilisées ne reflètent pas la réalité. L’État doit s’appuyer sur des enquêtes menées sur le terrain pour se rendre compte de la situation.

On parle d’un risque accru de décapitalisation.

Oui. Il faut que les indemnisations s’accélèrent, car on commence à avoir des éleveurs qui calculent le nombre de bêtes qu’ils pourront nourrir cet hiver. S’ils ne peuvent pas alimenter la totalité de leurs troupeaux, la décapitalisation continuera de croître c’est certain. Avec d’un côté l’inflation et les charges qui augmentent, et de l’autre, les prix de vente qui ne suivent pas, l’effet ciseau est terrible. Il nous faut une ligne politique cohérente et forte !

La raison même de JA est de promouvoir le renouvellement des générations. Comment réussir à le faire dans un tel contexte ?

Il faut être honnête avec les jeunes. Ne pas leur dire que tout va bien dans le meilleur des mondes. Cela étant, il ne faut pas non plus être négatif en disant que tout est foutu. Dans notre région, on a des filières qui marchent très bien : celles du Saint-Nectaire, des fromages de Savoie, l’association des viandes des Pays de l’Ain etc. Il faut le dire !

Durant ce Sommet, le sujet de la transmission revient beaucoup. Quelles sont les initiatives en Aura ?

La transmission est un vrai défi. Le sujet a trop longtemps été tabou dans le monde agricole. Il sort désormais peu à peu de sa zone d’ombre avec le livre blanc que l’on a écrit. On a en parallèle mis en place des projets dans la région, comme le Fast (fonds d’accompagnement succession – transmission) que les deux Savoie et l’Isère expérimentent. Il faut que l’on trouve de vraies solutions. Une installation réussie, c’est une transmission qui en fait de même. Il faut aussi que l’on incite les jeunes et les cédants à adapter la transformation des usages, à structurer les filières.

On parle souvent de l’inadéquation entre les exploitations à transmettre et les projets des potentiels repreneurs. Quelles sont les pistes pour remédier à ce problème ?

La clé, c’est l’anticipation. Quand on est agriculteur, on l’est jusqu’au bout, jusqu’à ce que la retraite sonne. Et parfois, on a un peu du mal à réfléchir, à penser à transformer son exploitation avant de la transmettre. Il faudrait s’y prendre cinq, six ans avant la cessation et proposer en parallèle de la formation à nos futurs cédants pour mieux les préparer.

Certains jeunes disent être rebutés à l’idée de s’installer sous forme sociétaire, car ils craignent ne pas pouvoir être totalement indépendant. Quel est votre avis ?

La forme sociétaire est, je pense, la plus sécurisante aujourd’hui. Peu importe la filière dans laquelle on s’installe, végétale ou animale, nos métiers sont prenants et requièrent des amplitudes horaires considérables. Si on est tout seul, on n’a pas le choix. C’est du 7 jours sur 7. Et ce, même si des solutions existent comme le Service de Remplacement ou le salariat. Je pense que travailler en format société est un confort. Après c’est comme partout, il peut y avoir des mauvais exemples. On a aussi des cas où ça s’est très mal passé en individuel et où la personne regrette de ne pas s’être installée en société. Il faut en parallèle pousser pour suivre des formations quand on rentre en tant qu’associé. Les jeunes veulent plus de liberté, la forme sociétaire le permet plus facilement.

Donc pour résumer, malgré le contexte incertain et pesant, il y a bel et bien un avenir dans l’élevage ?

Bien sûr qu’il y en a un ! Aujourd’hui, dans une région comme la nôtre, s’il n’y a pas d’élevage demain, ça voudra dire plus d’enfrichement, d’avalanches, d’incendies. Mais pour qu'il y ait de l'élevage, il faut qu’il y ait de la rentabilité. Moi je suis agriculteur, je ne suis pas bénévole. La rémunération reste le nerf de la guerre.

Aimeriez-vous dire quelque chose aux jeunes qui hésitent encore à se lancer dans l’agriculture ?

Les métiers de l’agriculture sont pluriels, enrichissants. Mon bureau est à l’extérieur c’est quand même agréable. Et puis être agriculteur est un métier à la carte. On peut faire de l’élevage, du maraîchage, de la vente directe... Ce sont des métiers hyper variés ! On peut faire ce que l’on veut c’est quand même magnifique !