Sur le terrain

Entre Sarah Gobert et la nature, une histoire d’alchimie

Après cinq années passées au Canada, Sarah Gobert est revenue en Guadeloupe, sa terre natale, pour se lancer dans la production d’huiles essentielles à base de plantes médicinales et aromatiques qu’elle fait pousser localement. Un projet qui lui permet d’allier son savoir-faire de chimiste avec le travail de la terre. Entre elle et la nature règne un doux parfum d’harmonie, pour ne pas dire d’alchimie. 

Sarah Gobert agricultrice en Guadeloupe.
Plantation de citronnelle

La Guadeloupe est une île en forme de papillon. Au nord de Grande-Terre, à Petit-Canal, se situe l’exploitation de Sarah Gobert, d’une superficie de sept hectares dont trois hectares utiles dédiés à la culture de plantes médicinales et aromatiques de la Caraïbe. Le reste de son terrain fait partie de la forêt sèche de Guadeloupe, composée d’arbres endémiques tels que le mapou ou le raisinier bord de mer. Mais n’allez pas lui parler de contrainte. Cette partie boisée est un patrimoine dont elle est fière, lui préférant pour la nommer le terme de « challenge ». « Avant d’obtenir ce terrain, j’ai eu plusieurs rendez-vous avec les représentants de l’ONF (Office national des forêts, NDLR) et la Safer (structure qui gère octroi et cession des terres agricoles, NDLR). Je sais que mon projet est passé, car il garantit à la fois la préservation de la forêt et le développement de l’agriculture », raconte la jeune femme âgée de 40 ans.

Dans les environs, son exploitation fait figure de dernier village gaulois. Tout autour, les terres sont déboisées au profit de la production de bananes et de canne à sucre. D’un côté, Sarah Gobert cultive des variétés très diverses de plantes : cannelle, citronnelle, romarin, rose porcelaine, vétiver, atoumo, etc. De l’autre, elle pratique la distillation en vue de produire des huiles essentielles. « Pour que les plantes se régénèrent, il faut les couper régulièrement. C’est de là que m’est venue l’idée de faire des huiles ». Son laboratoire se trouve à Goyave en Basse-Terre au sud de l’île. Comptez une heure et souvent un peu plus pour parcourir les 44 kilomètres qui séparent la plantation du laboratoire. Car ici, les routes étroites sont souvent synonymes d’embouteillages.

Sarah Gobert et ses récoltes.

« Partir pour mieux revenir »

Sarah Gobert baigne dans les plantes depuis son enfance. Son père, agriculteur aujourd’hui à la retraite, les utilisait pour la soigner lorsqu’elle était malade. À l’obtention de son master en chimie et biologie, et après avoir travaillé un an à l’Institut de recherche Inrae, elle sent le besoin d’expérimenter autre chose en décidant de partir travailler au Canada en tant que chimiste dans la décontamination des sols, pendant cinq ans. « Partir pour mieux revenir je l’ai toujours dit. J’adore mon île, mais lorsque j’ai eu mon diplôme, je ne me sentais pas de créer. Le Canada m’a permis d’apprendre, de découvrir une autre culture, d’acquérir une certaine discipline et d’oser entreprendre », indique la jeune femme qui incarne à merveille la nouvelle génération d’agriculteurs, qui fait de plus en plus le choix de sortir de sa zone de confort pendant un temps avant de s’installer. Au retour du Canada, Sarah Gobert retrouve du travail en tant que chef de projet dans le traitement de l’eau. « Ce nouveau travail m’a permis de prendre le temps de mûrir mon projet agricole », partage-t-elle.

« Faire de l’agriculture, mais autrement »

« Mon père, vers la fin de sa carrière d’agriculteur, a travaillé pendant dix ans comme ouvrier dans une usine. Ici c’est souvent comme ça, beaucoup d’agriculteurs ont deux métiers ». Une réalité qui marquera la jeune femme. « C’est pour cela que je veux faire de l’agriculture autrement, faire de la plus-value en alliant mes deux passions que sont la chimie et l’agriculture ».

En 2020, elle obtient son bac professionnel en productions horticoles et en 2021, elle commence à planter. Lauréate du concours Agree start-up dans la catégorie Installation, elle reçoit un chèque de 20 000€ et bénéficie d’un accompagnent technique sur trois ans. « Ce prix m’a permis de payer le terrain et de finaliser mon laboratoire ». L’ingénieur agronome qui la suit, l’aide tant sur la partie plantation que sur le volet distillation en la conseillant sur le choix des températures, le broyage des feuilles, ou la qualité des huiles.

Pour le moment, Sarah Gobert n’arrive pas à vivre de son activité. « La demande pour mes produits est là, mais j’ai du mal à y répondre. Il faut que j’augmente ma capacité de production ». Pour y parvenir, elle compte acheter un nouveau distillateur, cultiver davantage de plantes grâce à l’octroi par l’ONF d’une concession de deux hectares supplémentaires en forêt humide, et par l’embauche à terme d’un laborantin.

Heureuse avec son chapeau de paille d’agricultrice et sa casquette de chimiste, Sarah Gobert est bien décidée à réussir son installation. « Cette semaine, ça sent la rose porcelaine dans mon laboratoire. La semaine prochaine ça sentira le vétiver, se réjouit-elle, j’adore ma double vie ». Elle projette par la suite de créer et développer toute une gamme de produits cosmétiques composés de ses huiles essentielles et végétales, et de les vendre en local et à l'international.

Les principales plantes cultivées et leurs propriétés
  • citronnelle – anti-inflammatoire, sédatif, calmant, anti-infectieux et insectifuge
    • Trois-tasses - propriétés similaires à la citronnelle
  • vétiver - utilisé en parfumerie et comme antifongique en cosmétique
  • rose porcelaine – anti-inflammatoire, calmant, stimulant et décongestionnant
  • atoumo - dégage les bronches et stimule les défenses immunitaires