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Un label bas-carbone européen en cours de réflexion

À l’heure où la Commission européenne commence à s’intéresser à la création d’un cadre de certification carbone européen, les acteurs français du carbone, tout en se réjouissant de la nouvelle, craignent un « retour à la case départ ». En France, le label bas-carbone piloté par le Ministère de la Transition écologique a été officiellement lancé par le gouvernement en 2019, après plusieurs années de gestation.

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En France, la création d’un label bas-carbone a été initiée pour plusieurs raisons. D’une part, la mise en œuvre conjointe (MOC) prévue dans le cadre du Protocole de Kyoto, n’était plus effective depuis 2012. Celle-ci permettait aux pays développés d’obtenir des crédits d’émissions en investissant dans des projets de réduction ou d’évitement des émissions de GES (gaz à effet de serre) dans d’autres pays. Par ailleurs, de nombreuses entreprises françaises, qui compensaient déjà leurs émissions à l’international, commençaient à manifester leur volonté de les compenser localement. En parallèle, nombre d’agriculteurs français déjà engagés dans une transition bas-carbone, souhaitaient que leurs efforts puissent être valorisés financièrement. « Le label bas-carbone était le maillon qui manquait », estime Claudine Foucherot, directrice du programme Agriculture et forêt de l’Institut de l’économie pour le climat (I4CE). Une lacune comblée en 2019, grâce à la création dudit label. 

Si elle salue la volonté de la Commission européenne de créer « une sorte d’équivalent européen au label bas-carbone », Claudine Foucherot tient à mettre en garde contre certains risques. « Au niveau européen, la Commission se concentre uniquement sur la séquestration du carbone, mais pas du tout sur les réductions d’émissions contrairement au label bas-carbone français », prévient-elle. Aussi, elle incite à « élargir le périmètre des GES concernés ». Autre point de vigilance selon elle : la gouvernance. « Il faut s’assurer qu’il n’y ait pas une méthodologie unique, mais au contraire s’appuyer sur l’expertise de chaque pays. Nous avons besoin d’une gouvernance décentralisée, mais avec des règles communes fortes. » Aussi, l’I4CE exhorte à ce que la méthode label bas-carbone soit reconnue au niveau européen.  

Simplifier le marché du carbone

Le bureau d’études agronomiques Agrosolutions a développé l’outil Carbon Extract pour aider les agriculteurs à faire le bilan carbone de leurs exploitations et à évaluer les effets de la mise en place de leviers. Tout comme Agrosolutions, l’entreprise SysFarm aide les agriculteurs à calculer et financer leurs réductions d’émissions. Plus de 300 diagnostics ont déjà été réalisés par Sysfarm. Mais ces deux entreprises ne sont pas les seules sur le marché. La création du label bas-carbone a provoqué l’éclosion d’une multitude de startups spécialisées dans le marché du carbone. Résultat, différentes méthodes de calculs coexistent, ce qui crée de la confusion chez les premiers concernés, à savoir les agriculteurs. « Le cadre de certification européen va faire du bien, à condition qu’il aille dans le bon sens », estime Morgane Hénaff, manager Transition bas-carbone chez Agrosolutions.

Financer la transition : les crédits carbone ne suffiront pas

Aujourd’hui, le prix moyen du crédit carbone en France est aux alentours de 30 euros la tonne de CO2, un prix bien plus élevé qu’à l’international. Les financeurs, surtout de grosses entreprises, sont multiples, et appartiennent à des secteurs d’activité très différents. 
Mais s’engager dans une démarche de transition bas-carbone représente un coût non négligeable pour l’agriculteur, que la vente de crédits carbone ne suffira certainement pas à compenser. Aussi, « l’idée est de pouvoir coupler différents financements », estime Morgane Hénaff, comme « les primes de filières ou les subventions publiques telles que la Pac… ». « Le marché volontaire du carbone ne pourra pas à lui seul financer la transition », confirme Claudine Foucherot.

Par ailleurs, qu’adviendra-t-il de ce marché lorsque les exploitations auront atteint leurs limites ? « L’enjeu sera de réussir à maintenir ces stocks élevés de carbone dans les sols, explique Morgane Hénaff. Car plus il y a de carbone dans un sol, plus celui-ci minéralise et plus il faut lui apporter de la biomasse pour compenser cette minéralisation. Le coût du stockage risque de devenir très élevé, et il y aura des efforts à maintenir dans le temps. » Des efforts qui pourraient, eux aussi, être valorisés.