Sur le terrain

Thomas Samyn, engagé dans la durée

Plus jeune maire de la Communauté de communes du Pays rethélois, dans les Ardennes, Thomas Samyn, 33 ans, est un agriculteur engagé. Au quotidien, il met toute son énergie pour tenter de faire bouger les lignes, se faisant le porte-parole aussi bien de sa commune que de la profession agricole.

Thomas Samyn

Les habitants de la commune d’Arnicourt, dans les Ardennes, n’ont pas été surpris quand Thomas Samyn a présenté sa candidature en tant que maire aux élections municipales de 2020. Car être maire, c’est une histoire de famille, chez les Samyn. Avant lui, c’est son oncle qui assurait cette fonction, et encore avant, son grand-père. « Ça fait un bon moment que les habitants d’Arnicourt ont un maire Samyn ! », sourit Thomas. Mais le jeune agriculteur de 33 ans n’a pas été propulsé à la tête de la mairie d’Arnicourt uniquement en raison de son patronyme. L’engagement et les responsabilités l’animent depuis son plus jeune âge. À 22 ans, il était déjà président de l’Association des jeunes éleveurs de charolais de la région Grand Est. En 2018, alors âgé de 30 ans, il prend la présidence nationale de l’association. La liste de ses engagements est longue. « Toutes les associations dans lesquelles je me suis investi, je me suis retrouvé au minimum au bureau, raconte Thomas. Chez les Jeunes Agriculteurs des Ardennes, dès la deuxième année, j’étais vice-président. » Mais il sait aussi s’arrêter à temps, pour ne pas se noyer sous les responsabilités. Au moment des élections municipales, en 2020, il a ainsi fait le choix d’abandonner certaines fonctions, et notamment de redevenir simplement membre du bureau des JA Ardennes, pour se consacrer pleinement à la mairie d’Arnicourt et à la Communauté de communes du Pays rethélois. 

Pas de mairie sans Com’com

Thomas Samyn

Maire du village dans lequel il est né, Thomas est en terrain conquis. « Les gens d’Arnicourt m’ont vu grandir », dit-il en esquissant un sourire tout en regardant par la fenêtre de son bureau, à la mairie, d’où s’étendent des champs à perte de vue. Il se lève et ouvre un placard situé derrière lui pour en sortir les registres d’état civil. Dans celui de l’année 1988, deux naissances sont inscrites, dont celle de Thomas, le 13 octobre. « On redouble d’énergie quand on s’investit dans une commune où on a grandi et dans laquelle on a des attaches » estime l’élu. « Ma priorité, pour la commune d’Arnicourt, c’est vraiment le bien-être de ses habitants » ajoute-t-il, se considérant « à leur service ». Mais Thomas est confronté à certaines limites, une petite commune de la taille d’Arnicourt (158 habitants) disposant de peu de moyens. Aussi il ne se voyait pas maire d’Arnicourt sans participer activement à la Communauté de communes du Pays rethélois, composée de 65 communes pour 33 000 habitants. « J’adore la mairie, mais il fallait que ça aille de pair avec la Communauté de communes. C’est là où je m’éclate le plus aujourd’hui, car les projets sont de plus grande envergure » explique Thomas. Fidèle à lui-même, il est aujourd’hui vice-président de la “Com’com” afin de porter haut la voix de sa commune, mais aussi des agriculteurs : « Quand on parle PLU (plan local d’urbanisme, NDLR), il faut bien être là pour protéger la profession et les exploitations agricoles ! »

Protéger et attirer les agriculteurs

Au sein de la Communauté de communes, Thomas est en charge de l’agriculture, de l’économie circulaire et des énergies renouvelables. Ce territoire très rural n’échappe malheureusement pas au déclin de la population agricole et aux difficultés d’installation rencontrées un peu partout en France. Rien que sur la commune d’Arnicourt, les exploitants, au nombre de sept il y a encore 20 ans, se comptent aujourd’hui sur les doigts de la main. « Dans 5 ans, il n’y aura plus que Damien, la quarantaine, et moi-même » déplore Thomas. Aussi, il voit son engagement au cœur de la Com’com comme une opportunité de mener des actions pour attirer de nouveaux agriculteurs. D’autant plus qu’en 2021, le projet alimentaire territorial « Manger mieux et local, c'est l’idéal » de la Communauté de communes du Pays rethélois a été reconnu officiellement par le ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation. Et, sans surprise, c’est Thomas Samyn qui en a été nommé responsable.

« Ma mission, c’est avant tout de faire l’état des lieux des besoins du territoire et de mettre en place des actions pour y répondre au mieux »

À titre d’exemple, il cite le manque de maraîchers pour approvisionner la restauration collective, et la réflexion engagée autour de la création d’une légumerie. Thomas en est persuadé, « créer des débouchés rémunérateurs est la condition indispensable pour donner envie à des jeunes de s’installer ». « Le principal frein à l’installation, aujourd’hui, c’est que la rentabilité n’est pas à la hauteur des investissements », assure-t-il.

Le collectif avant tout

D’un naturel entreprenant, Thomas ne trace pas pour autant sa route en solitaire. L’action collective est pour lui nécessaire à la réussite d’un projet. « Tout ce que j’ai entrepris, je l’ai fait en groupe », remarque-t-il. La création d’un magasin de 20 producteurs à Reims en 2015, la reprise à 70 éleveurs d’un abattoir situé à Rethel en 2017 dont il fut « membre du conseil d’administration et président du comité d’orientation » et, plus récemment, le démarrage d’une unité de méthanisation avec cinq autres exploitants. « Depuis le 20 octobre, on est en pleine production ! » s’enthousiasme l’agriculteur. Le biogaz produit par la méthanisation alimente notamment le réseau de distribution GRDF de la commune de Rethel, sous-préfecture du département des Ardennes.

« L’unité de méthanisation n’a pas recours aux cultures dédiées », explique Thomas. Pour conserver cet avantage et « pomper le moins possible dans le sol », lui et ses acolytes viennent de créer la société Agricyclage dont l’objectif est de valoriser 15 000 tonnes de biodéchets par an, qu’ils collecteront à droite et à gauche, principalement auprès des grandes surfaces et des industriels. « Agricyclage, c’est une société de collecte, de déconditionnement et d’hygiénisation de matière en vue de méthanisation, précise Thomas. Le client principal sera notre méthanisation, mais il y en aura d’autres ».

Thomas Samyn
Avec cinq autres exploitants, Thomas a créé une unité de méthanisation d'une puissance de 300 Nm3/h, qui fonctionne à plein régime depuis le 20 octobre.

L’engagement selon Thomas Samyn

Quand on demande à Thomas ce qu’est pour lui l’engagement, il répond laconiquement « être altruiste ». « C’est faire passer l’intérêt général avant son intérêt personnel pour faire avancer des causes », développe-t-il. Malgré une motivation sans faille qui le pousse toujours plus haut, il sait aussi redescendre quand il le faut et accepter les changements de cap. C’est ainsi qu’en 2019, il a pris la décision d’arrêter l’élevage. « Dans mon résultat net, l’élevage n’était pas rentable. Les élections municipales approchaient, et je me suis dit que si je m’engageais à la mairie et à la Communauté de communes, je n’aurais de toute façon plus le temps de continuer cette activité », explique Thomas. Toujours président de l’Association des jeunes éleveurs de charolais lors du Salon de l’Agriculture en 2020, il se souvient avoir animé une présentation d’animaux de boucherie, vantant l’élevage tout en sachant qu’il arrêtait sur sa propre exploitation. Une sensation désagréable. « Je ne croyais plus en ce que je disais, il était temps de laisser ma place », se remémore-t-il. À l’évidence, sa décision d’arrêter l’élevage et ses engagements qui y étaient liés n’a pas été prise de gaieté de cœur. « Depuis 15 ans, je me rendais à la foire de Sedan (plus ancienne foire de la région Grand Est, NDLR) avec des animaux, cette année j’y suis allé avec mon porte-documents et mon blazer, ça fait forcément quelque chose », confie l’agriculteur, qui possède toujours 110 ha de grandes cultures et 60 ha de prairie qu’il propose à la location.

Ambitions politiques

Mais Thomas Samyn n’est pas du genre à tergiverser et a maintenant d’autres préoccupations. Plutôt que de revenir sur le passé, il préfère aller de l’avant, et ne cache pas ses ambitions politiques. « La politique m’intéresse depuis toujours » souligne-t-il. Il se rappelle notamment avoir assisté à des débats politiques alors qu’il était étudiant à Paris lors de la campagne présidentielle de 2012. L’échelon national lui apparaît cependant « assez déconnecté », et il s’estime plus attiré par la politique régionale invoquant « le poids majeur des régions sur le domaine agricole et le développement économique des territoires ». Pour l’instant sans couleur politique affichée, car « le débat politique n’a pas encore sa place à l’échelon intercommunal où on est vraiment dans le pratico-pratique », il sait qu’il devra un jour se positionner.

Finalement, tout son parcours se résume en une seule et même devise qu’il est le mieux placé pour formuler : « Critiquer dans sa cour de ferme n’apporte rien, si on veut faire évoluer les choses, il faut entrer dans le système pour le changer de l’intérieur ».

Il constate toutefois avec regret une diminution de l’engagement politique chez les jeunes agriculteurs. « Même si on n’a plus de grandes victoires syndicales, il faut qu’on parvienne à mettre en avant tout ce qu’on réussit à éviter pour montrer aux jeunes l’intérêt de se mobiliser », estime Thomas. Malgré tout, même si elle se fait aujourd’hui plus discrète, il sait que la culture de l’implication est encore bien présente dans la profession agricole. « La preuve, les trois plus jeunes maires du Pays rethélois sont des agriculteurs ! » remarque-t-il avec fierté. De quoi redonner de l’espoir !