Sur le terrain

Théo Clémenceau, une perle rare chez les JA

Rares sont les JA ostréiculteurs, et c’est très récemment que Théo est rentré dans le réseau du syndicat Jeunes Agriculteurs. Salarié depuis sept ans sur l’exploitation ostréicole familiale située dans le bassin de Marennes-Oléron, en Charente-Maritime (17), le jeune ostréiculteur de 28 ans ne cache pas sa passion pour ce métier exercé entre terre et mer.

(c) Clémentine Vignon
Théo Clémenceau (c) Clémentine Vignon

Théo est une nouvelle recrue dans le réseau des Jeunes Agriculteurs. C’est en cherchant un ostréiculteur pour participer à l’événement « Les Toqués de l’Agriculture » organisé à Paris du 29 avril au 1er mai qu’un de ses amis agriculteurs a fait appel à lui. « J’ai assisté à une réunion et l’ambiance m’a tout de suite plu », indique Théo. Ni une ni deux, le voilà JA et prêt à participer à un événement d’ampleur nationale. Sa mission première à cette occasion ? Ouvrir des huîtres ! S’il appréhendait de se retrouver un peu seul pour assumer cette tâche fastidieuse, allant jusqu’à solliciter sa sœur pour l’aider lors de l’événement, c’était sans compter l’entraide du réseau. « Il y avait toujours des bénévoles pour m’aider à ouvrir les huîtres ! » Cette solidarité lui a permis de prendre le temps de répondre aux questions des visiteurs et de parler avec enthousiasme de ses huîtres venues tout droit du bassin de Marennes-Oléron, en Charente-Maritime.

Pour Théo, qui a grandi dans une famille d’ostréiculteurs du côté de son père comme de sa mère, les huîtres ont toujours fait partie du décor. « Pendant les fêtes de Noël, je faisais la mise en bourriche [conditionnement des huîtres dans des cagettes en bois appelées bourriches, NDLR] chez mon oncle », se souvient-il. Il s’en est pourtant éloigné un temps, en se lançant dans une licence de gestion. Mais sa passion première l’a très vite rattrapé. Venu aider son père sur l’exploitation une fois sa licence en poche, il n’en est jamais reparti. C’est ainsi que le cabinet d’expertise comptable qui lui tendait les bras s’est métamorphosé en parc à huîtres.

« Au début, mes proches pensaient que je n’allais pas tenir, et qu’un travail de bureau me convenait mieux »

Depuis, il a fait ses preuves et prouvé qu’il était taillé pour le métier d’ostréiculteur. Un métier physique, certes, mais dont les difficultés passent au second plan après la passion, estime l’ostréiculteur.

Un métier physique

Chaque poche doit être retournée une fois par mois. Un travail physique !

Il faut compter trois ans à partir du stade naissain (larves d’environ 6 mm) pour obtenir des huîtres commercialisables. Les huîtres sont élevées dans des poches de différentes tailles en fonction de leur stade de développement. « On les change de poche une fois par an pour qu’elles aient plus d’espace pour se développer », explique Théo. C’est pendant la période de croissance, qui a lieu d’avril à octobre, quand les eaux se réchauffent, que le travail est le plus physique. Les quelque 15 000 poches réparties dans les parcs à huîtres doivent chacune être « travaillées », c’est-à-dire retournées et secouées, une fois par mois. « L’objectif de cette manipulation est de casser la pousse de l’huître, d’empêcher qu’elle se développe en longueur. » Ce travail est nécessaire pour obtenir des huîtres bien rondes et charnues. Ce sont environ 1 000 poches par jour qui doivent ainsi être retournées, certaines pouvant peser jusqu’à 10 à 12 kilos ! Et cela, dans un laps de temps déterminé par la marée. En effet, le travail dans les parcs à huîtres ne peut se faire qu’à marée basse.

Un cadre de travail idyllique

C’est à bord de son chaland ostréicole que Théo se rend presque chaque jour dans ses parcs à huîtres, situés entre le viaduc de la Seudre et le pont de l’île d’Oléron, dans l’estran. Pour être autorisé à naviguer, il a dû passer le permis bateau. Il possède également un petit bateau de plaisance avec lequel il se rend sur des criques sauvages l’été. Tous les jours, Théo réalise la chance qu’il a de travailler dans un « cadre de vacances », et ne se lasse pas de contempler son environnement. Mais si la production ostréicole est aussi implantée dans le bassin de Marennes-Oléron, ce n’est pas uniquement pour le plaisir des yeux des ostréiculteurs. Le mélange entre l’eau de mer et l’eau douce apportée par deux fleuves, la Seudre et la Charente est propice à la pousse du phytoplancton dont se nourrissent les huîtres. Le bassin de Marennes-Oléron est aussi un bassin reproducteur, « c’est-à-dire que le naissain arrive à se coller sur les supports, car l’eau est suffisamment chaude ». Ce n’est pas le cas en Bretagne ou en Normandie, par exemple, où les ostréiculteurs sont contraints d’acheter leurs naissains. Dans le bassin de Marennes-Oléron, le captage naturel du naissain en mer se fait durant l’été – période de reproduction des huîtres – à l’aide de collecteurs, des coupelles en plastique empilées les unes sur les autres sur lesquelles les larves des huîtres viennent se coller.

« Au mois d’avril suivant, on va les “détroquer”, c’est-à-dire qu’on va les décoller des coupelles et les séparer les unes des autres, et c’est là que commence l’élevage en poche. »

La deuxième particularité du bassin de Marennes-Oléron, c’est l’affinage en claire.

(c) Clémentine Vignon
Toutes les raisons sont bonnes pour goûter des huîtres ! Ici, des Fines de pleine mer numéro 3.

Affinage en claire

Les claires, ce sont d’anciens marais salants reconvertis pour l’affinage des huîtres, caractéristiques du bassin de Marennes-Oléron. L’affinage a lieu pendant un mois minimum, généralement en hiver pour bénéficier du mélange entre l’eau douce et l’eau salée. Les poches d’huîtres sont posées à même le sol dans les marais en respectant une densité maximale de 3 kg/m2. Les huîtres affinées en claires sont reconnaissables à leur goût plus doux, moins iodé et moins salé que les huîtres de pleine mer. Théo a choisi de faire essentiellement de la Fine de Claire, c’est-à-dire qu’il affine principalement en claire les huîtres les moins charnues, dites « fines », dont l’indice de chair se situe entre 6,5 % et 10,5 %. « Concernant les “spéciales” [dont l’indice de chair est supérieur à 10,5 %, NDLR], comme nous avons déjà un produit de qualité en sortant de pleine mer, je les vends directement sans forcément passer par l’étape d’affinage en claire, mais c’est un choix personnel », explique Théo.

Les claires permettent aussi aux ostréiculteurs d’obtenir des produits d’exception, comme la Pousse en Claire, ou la Fine de Claire Verte, toutes deux Label Rouge. Les huîtres Pousse en Claire sont élevées directement dans les claires, à très faible densité, pendant quatre à huit mois. « C’est un produit haut de gamme, qui ne se fait qu’en petite quantité », indique Théo. La Fine de Claire Verte, quant à elle, est une Fine de Claire dont les branchies ont pris une teinte verte en raison d’une microalgue, la navicule bleue, qui se développe aléatoirement dans les claires. Des huîtres, il y en a donc pour tous les goûts ! « Personnellement, j’aime surtout les “spéciales”, les plus charnues », indique Théo. Depuis sept ans qu’il travaille en tant qu’ostréiculteur, pas une journée ne passe sans qu’il ne goûte une huître. Toutes les raisons sont bonnes !

Retrouvez l’intégralité du reportage dans le numéro 781 du JA mag (juillet-août) !