Politique et société

Plan d’action du gouvernement pour lutter contre le mal-être des agriculteurs

La feuille de route du gouvernement pour la prévention du mal-être et l’accompagnement des agriculteurs en difficulté a été présentée mardi 23 novembre dans l’optique de réduire le mal-être des agriculteurs et le taux de suicide dans la profession agricole.

Plan d’action du gouvernement pour lutter contre le mal-être des agriculteurs

Les ministres de l’Agriculture et de la Santé, ainsi que le secrétaire d’État chargé des retraites et de la santé au travail, ont présenté mardi 23 novembre la feuille de route du gouvernement pour la prévention du mal-être et l’accompagnement des agriculteurs en difficulté, en présence de nombreuses parties prenantes impliquées dans ce travail.

Bien qu’ils commencent à être datés (les dernières données disponibles remontent à 2015), les chiffres concernant le suicide des agriculteurs sont éloquents et frappent les esprits. Un pic a notamment été atteint en 2015, avec 605 suicides d’assurés du régime agricole à déplorer cette année-là, soit plus d’un suicide par jour. Qu’en est-il aujourd’hui ? Pour le député Olivier Damaisin, auteur d’un rapport parlementaire sur la prévention du suicide en agriculture remis en février dernier, il serait judicieux d’avoir des données actualisées sur le taux de suicide des agriculteurs afin d’apporter une réponse la plus adaptée possible. Quoi qu’il en soit, il était important de « lever le tabou » sur cette « surmortalité liée aux suicides dans les exploitations agricoles », a souligné le ministre de l’Agriculture Julien Denormandie lors de la présentation de la feuille de route pour la prévention du mal-être et l’accompagnement des agriculteurs en difficulté. Cette feuille de route, non figée et vouée à être complétée, s’articule en trois principaux axes : « humaniser », « aller vers » et « prévenir et accompagner ».

Création de comités départementaux

Dans un premier temps, il s’agit de « remettre l’humain au centre de toutes nos politiques publiques », a déclaré Julien Denormandie, prenant pour exemple le cas d’un agriculteur croulant déjà sous une pile de courriers non ouverts et recevant la lettre de trop, sur laquelle serait froidement affichée aux yeux de tous la mention « redressement judiciaire ».
Dans l’optique d’humaniser la profession agricole, le gouvernement propose notamment de créer des comités départementaux dédiés à la question du mal-être agricole, car « c’est du terrain que doivent partir les politiques publiques » a décrété le ministre de l’Agriculture. Dans le cadre de cette feuille de route, des engagements ont également été pris de la part de la MSA et des institutions financières, a-t-il assuré. La MSA, souvent perçue comme un simple percepteur, est aussi l’organisme vers lequel les agriculteurs peuvent se tourner quand leur situation se dégrade. Cette ambivalence est susceptible d’entraîner de la confusion et une réticence de la part de certains agriculteurs à aller chercher de l’aide auprès de la MSA. Mais « il faut bien dissocier ces deux aspects », a insisté Julien Denormandie.

Les indispensables réseaux de sentinelles

Dans le deuxième axe de cette feuille de route intitulé « aller vers », l’objectif est d’élargir les réseaux de sentinelles et de structurer ceux déjà existants, comme le Réseau Agri Sentinelles. « Il faut laisser aux comités départementaux le soin de définir quels sont les réseaux de sentinelles les plus pertinents au niveau du territoire », a souligné Julien Denormandie.
Les dispositifs d’écoute, tels qu’Agri’écoute proposé par la MSA et qui fonctionne 24H/24, 7J/7, ont aussi un rôle à jouer. Depuis novembre 2021, le service Agri’écoute s’est d’ailleurs enrichi d’une plateforme agriecoute.fr1 sur laquelle il est possible de tchatter en direct avec un psychologue, de prendre rendez-vous pour un entretien avec un psychologue, ou de consulter des fiches et obtenir des conseils sur la santé mentale. Enfin, a ajouté le ministre de l’Agriculture, il faut « former à identifier les signaux de détresse », parfois bien camouflés. À ce propos, Franck Bethys, technicien à la coopérative Apis Diffusion et membre bénévole du réseau Agri Sentinelles, a tenu à rappeler qu’un agriculteur en situation de mal-être qui se met subitement à aller mieux en disant avoir trouvé une solution doit être un signal d’alerte. Selon M. Bethys, ce changement d’état pourrait en effet résulter d’un certain soulagement lié à la décision de passer à l’acte, et ainsi précéder le suicide.

  1. La plateforme est accessible avec un identifiant et un mot de passe identiques pour tous. Identifiant : monespaceagriecoute Mot de passe : AGRIECOUTE

Renforcer l’accompagnement

Enfin, dans le volet « prévenir et accompagner », il s’agit de renforcer l’accompagnement des salariés et des agriculteurs et de leurs familles sur les plans économiques et sociaux. Le plan prévoit notamment de renforcer financièrement des dispositifs existants tels que l’aide au répit en cas d’épuisement professionnel proposée par la MSA ou encore le crédit d’impôt au titre des dépenses engagées pour le remplacement du chef d’exploitation agricole.

Cependant, ce plan d’action serait vain sans aborder en parallèle les deux sujets majeurs qui aujourd’hui renforcent le mal-être des agriculteurs, à savoir la rémunération et la considération. À aucun moment, « le plan de lutte et de prévention contre les détresses agricoles ne doit se substituer à ces deux sujets », a rappelé Julien Denormandie, qui selon ses dires ne « lâchera rien ».