Politique et société

Moratoire HMUC : l’agriculture en alerte sur la gestion de l’eau

Face aux conséquences jugées « dévastatrices » des études HMUC sur le bassin Loire-Bretagne, le réseau Jeunes Agriculteurs et la FNSEA, rejoints par un large front d’acteurs ruraux, réclament au Premier ministre un moratoire immédiat jusqu’à l’automne. L’objectif est de remettre à plat la méthode et de réintégrer les agriculteurs dans les décisions.

Le monde agricole demande un moratoire des études HMUC.

Vendredi 20 juin, la colère paysanne a résonné jusqu’au Futuroscope de Poitiers. À l’appel des agriculteurs de la Vienne, une centaine de tracteurs ont convergé avec plusieurs élus locaux, des représentants de coopératives et des chambres d’agriculture pour manifester contre les conclusions des études HMUC (Hydrologie, Milieux, Usages, Climat) engagées sur le bassin du Clain. Une lettre ouverte, transmise au Premier ministre, demande un moratoire général sur ces études, accusées de fragiliser l’activité agricole.

Des études jugées biaisées et déconnectées

Les études HMUC, lancées dans le cadre de la révision des SAGE (schémas d’aménagement et de gestion des eaux), visent à anticiper l’impact du changement climatique sur la ressource en eau. Mais, pour les agriculteurs, leur application brute aurait un effet catastrophique sur les filières. « La base des études n’est pas bonne », alerte Benjamin Aucher, 24 ans, jeune céréalier et éleveur de veaux de boucherie près de Loudun (Vienne), et l’un des meneurs de la mobilisation. « Ils ont sélectionné des espèces endémiques à réintroduire sans même consulter la profession agricole. Ces espèces ne survivront pas avec la hausse des températures. »

Le grief majeur ? Une concertation quasi absente avec les agriculteurs, pourtant directement concernés par la gestion des prélèvements d’eau. « Ils ont consulté les fédérations de pêche et la MPO, mais nous ont oubliés », regrette Benjamin Aucher.

Un appel clair au Premier ministre

Dans leur lettre ouverte, les syndicats agricoles demandent au chef du gouvernement de suspendre immédiatement l’ensemble des démarches HMUC, y compris sur les bassins de la Creuse et ceux relevant du bassin Seine-Normandie. Ils estiment que ces analyses ne peuvent se poursuivre sans une réelle prise en compte des impacts économiques.

Les agriculteurs réclament que des études socio-économiques soient systématiquement réalisées pour compléter les évaluations hydrologiques. Pour eux, ces données sont indispensables pour déterminer des volumes d’eau prélevables adaptés à la réalité des territoires. Ils demandent également que tous les arrêtés préfectoraux visant à réduire les prélèvements en période d’étiage[1] soient suspendus tant que ces études complémentaires ne sont pas intégrées.

Enfin, ils souhaitent que la gouvernance de l’eau repose sur une véritable concertation locale, en s’appuyant sur les Projets de territoire pour la gestion de l’eau (PTGE), qui associent l’ensemble des usagers, y compris les agriculteurs.

C’est un sujet qui nous rassemble, qu’on doit défendre collectivement.

Une mobilisation au-delà des syndicats

Le bassin Loire-Bretagne, qui couvre plus d’un quart des surfaces agricoles françaises, est emblématique de cette tension croissante entre enjeux écologiques et réalités agricoles. Des parlementaires, des coopératives, des élus ruraux et des structures économiques locales ont rejoint l’appel à un moratoire. Ensemble, ils dénoncent « une réduction drastique des volumes d’eau » qui mettrait en péril l’emploi agricole, la souveraineté alimentaire et l’attractivité des territoires. « C’est un sujet qui nous rassemble, qu’on doit défendre collectivement, insiste Benjamin Aucher. Dans certains départements, la profession se retrouve face à des opposants très organisés. Il faut parler d’une seule voix. »

Un moratoire pour rétablir le dialogue

Le monde agricole ne rejette pas le principe d’anticiper les tensions sur la ressource en eau. Mais il refuse d’en être l’oublié. En demandant au gouvernement de respecter son engagement d’un cycle de conférences sur « L’eau dans les territoires » d’ici l’automne, les signataires souhaitent temporiser pour mieux refonder. « Donnons-nous les chances de réussir ce débat vital », conclut le communiqué, en forme d’avertissement.

[1] considéré comme une période limitée dans l'année où les débits passent en dessous d'une valeur seuil, propre à chaque cours d'eau et calculée statistiquement. Source : Eaufrance