Maxime Liévin, un sillon tout tracé vers l’avenir
Il a d’abord cultivé les chiffres avant de revenir aux champs. À 32 ans, Maxime Liévin, installé depuis 2024 à Crécy-la-Chapelle, en Seine-et-Marne, incarne une génération d’agriculteurs nouvelle graine. Enracinée dans le terroir, mais l’œil curieux, la main tendue vers la société. Président des Jeunes Agriculteurs Seine et Marne, élu municipal, ancien commercial, Maxime moissonne les expériences et laboure déjà le champ politique.

« C’était une bonne école de la vie. » Voilà comment Maxime parle de ses deux années de DUT Génie Mécanique et Productique. Il y apprend la soudure, la science des matériaux… mais aussi, entre deux cours de résistance des matériaux, à monter un budget, faire des demandes de subventions, porter un projet collectif. Président du bureau des étudiants, il y forge un sens aigu de l’organisation et du collectif, un trait de caractère qui le suivra jusque dans les sillons de son exploitation familiale. Mais à ce moment-là, il est encore loin de penser qu’il reprendra un jour la ferme familiale. Le jeune Maxime trace sa route dans les bureaux climatisés. Après une école de commerce, il se spécialise en gestion de projets, relation clients, achats fournisseurs. Une carrière solide, bâtie dans le secteur privé. Mais quelque chose lui manque : l’air du large… ou plutôt celui du grand air.
« Revenir sur terre »
Le déclic arrive en 2023, par surprise. Alors qu’il cherche un nouveau poste, le salarié de son père annonce son départ après huit années passées sur l’exploitation familiale. « Là, je me suis dit : c’est maintenant ou jamais. Il fallait que je revienne sur terre, au sens propre. » Une phrase simple, mais qui dit beaucoup, un besoin de concret, une soif de sens. Ce retour à la ferme ne s’improvise pas. Il entame alors son parcours à l’installation, une odyssée de huit mois, qu’il raconte avec humour… et quelques sueurs froides. « Je les appelle les douze travaux d’Astérix », lance-t-il en souriant. « Le formulaire A dépend du formulaire B, qui lui-même exige un document issu du formulaire A… C’est une boucle infernale. On te demande d’aller vite, mais on te bloque à chaque étape. Heureusement, une partie des démarches avait été anticipée. Un expert foncier avait déjà valorisé la ferme. » Un coup de pouce, mais pas de quoi éviter les galères. « Mon conseil ? Se fixer une date d’installation, et commencer les démarches deux ans à l’avance. » Lui, boucle le tout entre juillet 2023 et février 2024. Une prouesse dans ce monde de paperasses et d’autorisations d’exploiter.

Premiers pas dans les bottes… et coups durs
Son retour à la ferme ne relève pas d’un calcul financier. Il laisse derrière lui un salaire, troque la sécurité du CDI contre l’incertitude d’une moisson. « Et justement, ma première moisson a été catastrophique », raconte-t-il. Plutôt que de baisser les bras, il en tire une leçon : « ne pas dépendre uniquement de sa ferme », explorer d’autres pistes, garder une part d’autonomie.
Heureusement, il peut compter sur son père qui avait 58 ans au moment de son installation. « Le fait qu’il soit encore jeune, c’était important. Je voulais apprendre avec lui. » Mais la collaboration n’a rien d’évident, deux générations, deux visions du travail. Son père a connu un salarié présent du matin au soir. Maxime, lui, jongle entre la ferme et ses responsabilités syndicales. « Il a fallu apprendre à fonctionner autrement. »
Aujourd’hui, un équilibre s’installe. « Quand je suis là, je suis à fond. Et quand je ne suis pas là, je m’organise pour qu’il ne soit pas seul. » Travailler en famille, c’est aussi apprendre à déléguer, à communiquer. « Il fallait qu’il me voie autrement que comme son fils. Et moi, j’avais besoin de gagner en autonomie. »
Un maire, une assemblée générale et un déclic

C’est une rencontre fortuite qui ouvre la porte de l’engagement civique. En 2019, le maire de son village vient le voir. « Il m’a proposé d’intégrer sa liste pour les municipales. Je ne connaissais rien à la gestion d’une mairie, mais ça m’a donné envie de comprendre, d’agir. » Maxime accepte. Il entre au conseil municipal, avec une volonté : porter la voix des agriculteurs. À cette même période, il est encore dans le commerce. Il ne s’est pas installé, mais continue de suivre de loin l’actualité syndicale. Jusqu’au jour où, lors d’une assemblée générale de la FDSEA, Christiane Lambert prend la parole. La présidente de la FNSEA lance un appel : « Je ne peux pas être la seule à communiquer pour les jeunes agriculteurs. Il faut que vous aussi, vous vous bougiez. » Un choc. « Je me suis dit : elle a raison. À notre échelle, on peut faire passer des messages. » Maxime commence alors à ouvrir les portes de la ferme de son père, à inviter des gens dans sa moissonneuse. Le geste est simple, mais il prend racine. Il découvre qu’il aime parler, expliquer, convaincre.
Des bottes au bureau, moisson de responsabilités
En 2024, il prend la présidence des Jeunes Agriculteurs de Seine-et-Marne. Un poste exigeant, mais qu’il assume avec conviction. « Ce qui m’anime, c’est parler au nom des autres, défendre un collectif. » Il prend goût aux coulisses du pouvoir, aux rencontres avec les élus, aux dossiers politiques. « Chez JA, on apprend à lire une politique agricole, à gérer un budget, à communiquer. C’est une école du réel. » Sous sa houlette, le festival JA de Nanteuil-lès-Meaux atteint un record, 16 500 visiteurs. Cette année, il sera organisé à Villebéon, dans le sud du département. Son ambition, « communiquer positivement sur l’agriculture, mettre en avant le syndicat et ses actions, gagner en visibilité auprès des institutions ».
Semer pour demain
Maxime n’a pas pour seule ambition de cultiver ses terres. À court terme, il espère embaucher un salarié, pour se dégager du temps et soulager son père. À moyen terme, il cherche une activité complémentaire. À long terme ? Il n’exclut pas un engagement plus marqué en politique. « Je veux comprendre les rouages, faire bouger les choses. Et si je peux y contribuer un jour, pourquoi pas ? », confie-t-il, avant d’ajouter plus directement : « Je vise un mandat de député. »
Lorsqu’il décroche de la ferme et du syndicat, Maxime retrouve ses autres terrains de jeu. La glisse sur un plan d’eau en wakeboard, les chemins de campagne en VTT, ou les longues balades à vélo qu’il aime faire pendant ses vacances. Sans oublier ses fidèles Renault 4L, qu’il bichonne avec un plaisir presque nostalgique. Une manière de ralentir le rythme, sans jamais rester immobile.
Nom de l’exploitation : Ferme de Serbonne
Exploitants : Didier et Maxime Liévin
Localisation : Crécy-la-Chapelle (77), Seine-et-Marne
Superficie actuelle : 252 hectares
Type d’exploitation : Grandes cultures (sans élevage)
Productions végétales
- Blé tendre
- Betterave sucrière
- Maïs grain
- Colza
- Tournesol
- Seigle
- Avoine
- Pois protéagineux
L’exploitation s’est diversifiée au fil du temps, avec une rotation culturale riche adaptée aux sols de la Brie.
Environnement et énergie
- 184 m² de panneaux photovoltaïques installés sur les bâtiments agricoles
- Les cultures de l’exploitation permettent de capter 2,08 tonnes de CO₂/ha/an, soit environ 2050 tonnes de CO₂/an – l’équivalent des émissions de 790 voitures
Économie et emploi
- Exploitation gérée à deux (Maxime et son père Didier), sans salarié permanent actuellement
- Contribution indirecte à une dizaine d’emplois locaux (prestataires, partenaires, fournisseurs...)
Historique et transition
L’exploitation a été achetée en 1929 par l’arrière-grand-père de Maxime. Depuis, elle s’est transmise de génération en génération. Jusqu’à récemment, un élevage ovin permettait d’entretenir les prairies permanentes, mais cette activité a été arrêtée. La ferme est ainsi passée d’un modèle mixte à un système 100 % grandes cultures.
Maxime s’est officiellement installé en février 2024, au terme d’un parcours administratif dense et exigeant.