« La montagne nous rattrape » : les éleveurs soulagés par la levée de la zone de surveillance en Savoie et Haute-Savoie
Après plusieurs semaines d’attente, le ministère de l’Agriculture a annoncé la levée anticipée, à compter du 10 octobre, de la zone de surveillance instaurée à la suite des cas de dermatose nodulaire contagieuse (DNC) dans l’est de la Savoie et de la Haute-Savoie. Une décision accueillie avec soulagement par les éleveurs de montagne, confrontés à l’urgence de redescendre leurs troupeaux avant l’arrivée de la neige.

Une levée partielle mais cruciale. « C’est le fruit du travail qu’on a mené avec la Direction générale de l'alimentation (DGAL), explique Guillaume Léger, président des Jeunes Agriculteurs de Haute-Savoie. Nous avions encore près de 2 600 animaux coincés en alpage, sans possibilité de descendre vers les zones indemnes ni de regagner leurs départements d’origine. Clairement, on est soulagé par cette décision, parce que, pour nous, la montagne nous rattrape. La neige arrive et les animaux n’avaient plus rien à manger là-haut. »
Le ministère a précisé que 63 communes de Savoie et de Haute-Savoie sortent de la zone de surveillance. Les mouvements de bovins sont désormais autorisés, sous réserve du respect de trois conditions : « des animaux vaccinés depuis au moins 28 jours, un examen clinique vétérinaire au moment du transport, et aucun mouvement de l’unité épidémiologique depuis au moins 28 jours ».
Aucun nouveau foyer n’a été détecté depuis le 6 septembre, ce qui a permis à la France d’obtenir l’accord de la Commission européenne pour une levée anticipée. Le foyer le plus à l’est, situé à Hauteluce (Savoie), datait du 22 juillet. « Grâce au travail des Chambres d’agriculture et des Groupements de défense sanitaire (GDS), on avait mis en place un dispositif d’urgence pour trouver des places d’accueil ou des pensions pour ces animaux, raconte Guillaume Léger. Certains agriculteurs avaient même accepté d’en héberger, sans savoir si la levée allait être actée. Maintenant, il faut que ça suive son cours, que les autres zones soient levées progressivement. »
L’attente d’une indemnisation complète
Si la décision de levée est saluée, les questions économiques demeurent. Les exploitations touchées par la DNC ont subi des pertes importantes, au-delà des animaux abattus. « Il faut que l’indemnisation des bêtes soit soldée, et surtout qu’elle reflète la réalité du terrain, insiste Guillaume Léger. Les éleveurs doivent pouvoir racheter du bétail et repeupler. Mais il y a aussi la perte de production : du lait, de la viande, du revenu. Une exploitation met deux à trois ans à retrouver un niveau de croisière normal. » Aujourd’hui, le dispositif prévoit une indemnisation couvrant la période de perte des animaux et jusqu’à trois mois après leur remise en place. « C’est insuffisant, rétorque le président de JA Haute-Savoie. Il faudrait entre neuf et douze mois pour compenser réellement les pertes. » En parallèle, un groupe de députés haut-savoyards a déposé une proposition de loi pour renforcer le cadre de compensation, bloquée pour l’heure par l’absence de gouvernement.
Solidarité et fatigue dans les campagnes
Au-delà de l’économie, la crise laisse des traces dans les esprits. « Ce qui aide aujourd’hui, c’est la solidarité entre éleveurs. Ils sont restés soudés, ils s’entraident comme ils peuvent, confie Guillaume Léger. Mais il faut continuer à les accompagner, notamment avec les dispositifs d’écoute et de soutien mis en place par la MSA et la Chambre d’agriculture. L’impact psychologique ne doit pas être sous-estimé. »
Le ministère, de son côté, salue une « avancée majeure » dans la lutte contre la DNC, soulignant « le succès des actions menées pour contenir la propagation du virus ». Mais sur le terrain, les éleveurs espèrent que la levée des restrictions sera bientôt étendue à l’ensemble des zones encore sous surveillance, afin de pouvoir reprendre une activité normale, avant que la montagne, à nouveau, ne les rattrape.