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La composition des prairies modifie les émissions du bétail

Associer du trèfle aux graminées permet de substantielles réductions d'émissions de gaz à effet de serre, selon une récente étude britannique.

Trèfle

La question des émissions de gaz à effet de serre liées à la production de viande bovine est depuis longtemps un sujet sensible dans le monde agronomique. Pourtant, ce n’est que dans une publication de juin 2020 qu’une équipe britannique qui travaille depuis plusieurs années sur ces émissions a révélé qu’un levier simple permet de les réduire substantiellement : la composition des prairies.

Les chercheurs, issus du réputé centre de recherche britannique de Rothamsted, ont choisi de s’intéresser non pas au méthane, dont les émissions par les rots des ruminants sont bien connues, mais au protoxyde d’azote N2O, un gaz à effet de serre puissant, 275 fois plus « réchauffant » que le CO2, et qui représente environ 40 % de l’effet de serre généré par l’élevage bovin, ce qui est considérable.

L’équipe a commencé par établir que les exploitations qui possèdent des prairies riches en trèfle commun Trifolium repens (de l’ordre de 30 % de la surface relativement aux graminées) peuvent se dispenser d’apporter des fertilisants azotés, permettant de réduire d'un tiers les émissions de protoxyde d’azote (la fabrication de ces fertilisants consomme en outre beaucoup d’énergie et émet du CO2).

La quantité d'azote contenue dans l'urine et les bouses varie selon la prairie

Ce n'est pas tout. Les chercheurs se sont également aperçus que les émissions de protoxyde d’azote étaient jusqu’à présent mesurées de manière très grossière par la science : dans la plupart des mesures, les scientifiques épandent une quantité fixe d’urine et de bouses standardisées sur une parcelle, et mesurent ensuite leurs émissions gazeuses.

L’équipe de McAuliffe, décidée à faire une analyse fine, est elle partie de trois troupeaux de 30 têtes élevés dans trois parcelles bien différentes. L’une était une prairie dominée par le ray-grass (Lolium perenne) agrémentée de quelques plantes spontanées. La seconde était une prairie mixte ray-grass/trèfle. Ces deux prairies avaient plus de 20 ans d’âge, et la troisième était une culture (donc avec labour et fertilisation) d’une variété récente de ray-grass particulièrement riche en sucres.

Résultat ? La quantité d’azote excrétée dans l’urine et les bouses variait considérablement selon la prairie ! L’objectif est que les vaches convertissent en protéines (viande et lait) le plus d’azote possible, pour éviter d’en rejeter dans le milieu. Or, cette conversion semble s’opérer bien mieux sur une prairie contenant du trèfle que sur une prairie à ray-grass seul, aussi bien pour l’urine que pour les bouses (l’urine contient 1 958 mg/l d’azote avec trèfle, contre 3 311 mg/l sans trèfle). Il est possible que cette efficacité accrue soit liée à des changements du microbiote de la vache.

Certains microbes du sol font moins de gaz que d'autres

Un autre résultat qui fascine les chercheurs est que même une fois l’urine et les bouses émises, les microbes du sol ne les convertissent pas en protoxyde d’azote avec la même efficacité. « Nos résultats suggèrent qu’associer du trèfle aux graminées réduit l’abondance des gènes microbiens associés à la production de protoxyde d’azote, si on compare aux communautés microbiennes observées sous les seules graminées », explique Laura Cardenas, une chercheuse de l’équipe. Autrement dit, pour des raisons encore mal comprises, les microbes (bactéries, champignons, etc.) poussant sous prairie mixte fabriqueraient moins de protoxyde d’azote que les microbes poussant sous graminées seules (prairie ou bien culture de ray-grass).

Au final, l’ensemble de ces facteurs aboutit à une division par deux des émissions de protoxyde d’azote dans l’association graminée/trèfle relativement aux graminées seules. Une combinaison aussi efficace que simple, certes « pas miraculeuse, mais susceptible d’aider l’agriculture à contribuer à la lutte contre le réchauffement climatique », conclut Laura Cardenas.