Innovations

Décarbonation : sur la piste des carburants alternatifs

La décarbonation de la puissance utilisée en agriculture n’est pas pour tout de suite. Mais les équipementiers regardent de près les différentes alternatives au gasoil.

Méthaniseur en Bretagne. (crédit : AILE)

1,150 million de tracteurs en France

Il faudra du temps pour réduire les émissions de gaz à effet de serre d’origine agricole (méthane, protoxyde d’azote, CO2). « Une part significative du CO2 provenant des énergies fossiles ne sera pas décarbonée à horizon 2030 », observe Laurent de Buyer, directeur général d’Axema, syndicat français des acteurs industriels de la filière des agroéquipements et de l’agroenvironnement. Impossible, en effet, de rétrofiter les 1,4 million d’engins agricoles (dont 1,150 million de tracteurs). À plus long terme cependant, il sera nécessaire d’adapter les machines à des carburants alternatifs.

Le plus prometteur aux yeux de monsieur de Buyer, c’est le biométhane issu des unités de méthanisation. Une expérimentation pilotée par l’Ademe avec le concours de l’Association des agriculteurs méthaniseurs de France (AAMF) et la Fédération nationale des Cuma a démarré au printemps et doit se dérouler sur trois ans. Six tracteurs de marque New Holland (un seul modèle : le T6 Méthane Power de 180 chevaux) font actuellement l’objet de tests pour acquérir de la connaissance. Vu sa puissance limitée, cet engin ne peut conduire que des travaux légers.

« Mais il remplit parfaitement son rôle pour transporter le digestat, effectuer du labour léger, etc. », témoigne Florent Morel, éleveur laitier en Ille-et-Vilaine. Celui-ci, exploite en commun avec son frère éleveur de porcs une unité de méthanisation en injection directe de 100 normo mètres cubes/heure. « Nous prélevons moins de 2 % du volume de gaz à l’année pour les besoins du tracteur et de nos véhicules personnels », explique le jeune agriculteur de trente-cinq ans. Comparativement à un tracteur de puissance équivalente fonctionnant au gasoil, il estime l’économie « à 10 000 litres de gasoil par an. »

Des aides de 30 % pour qu’un JA s’équipe d'un tracteur biométhane

Ce tracteur coûte 25 % plus cher qu’un tracteur équivalent mais des aides permettent d’en abaisser le coût. Elles sont de 20 %, voire 30 % pour une Cuma ou un JA. Ces aides ont été mises en place récemment dans le cadre du plan France 2030, au titre des équipements de la troisième révolution agricole. Aussi prometteuse soit-elle, cette énergie ne semble pourtant pas être privilégiée par le gouvernement. « Il craint le développement de surfaces cultivées pour cette énergie au détriment de l’alimentation », note Laurent de Buyer. D’autres pistes existent et font l’objet, chez les équipementiers, de recherche et développement pour adapter leurs machines ou en concevoir de nouvelles.

Il y a la voie des huiles végétales de type B100, du carburant de synthèse HVO, un gazole paraffinique de synthèse « produit en quantité limitée que tout le monde s’arrache, en particulier l’aviation et le transport », poursuit le délégué général d’Axema. Citons encore la famille des E-Fuels, carburants de synthèse issus de différents process. Reste deux énergies d’avenir : l’électrique et l’hydrogène. Le premier nécessite encore de travailler la contenance et l’encombrement des batteries. Le second utilisé dans le transport, notamment en Allemagne, ne se prête pour l’instant aux milieux poussiéreux et vibratoires. Mais dans ce secteur, tout peut changer très vite.